Histoire. Avec un petit « h ». Les métiers de la communication et du journalisme sont liés par cette caractéristique commune. Journalistes et communicants partagent cette inclination pour la narration, le conte, le récit. Ils jonglent avec les mots, les sons, les images pour nous persuader, nous divertir, nous influencer, nous convertir, nous informer aussi.
Ôtez-leur cette parenté, il ne subsiste qu’une information. Brute, factuelle, élémentaire, donc indigente ou insipide. C’est selon.
La forme, c’est le fond qui remonte à la surface.
Paul Valery
Publicité, communiqué de presse, article, pamphlet, tribune, éditorial, plaidoyer, sondage, rapport d’enquête, reportage, documentaire, publication sociale… ont beau obéir à des règles particulières, ils répondent au même objectif : nous intéresser. Capter notre attention. Nous faire regarder, lire, écouter. Mobiliser si besoin nos émotions pour y parvenir.
Les métiers de communicant, comme ceux de journaliste requièrent des talents de composition. Soit. Mais chaque dispositif narratif est aussi affaire de dessein. Que défend-on ? Que vend-on ? Pourrait-on résumer.
Communication et journalisme peuvent servir des intérêts très différents.
D’un côté, greenwashing, contrevérités, paralogismes ou mensonges, calomnie ou diffamation, lobbying, complotisme… ne suscitent la béatitude que chez ceux qui s’en servent et en tirent parti. Sommes-nous toujours en mesure de déceler ces mutilations du réel ?
De l’autre, communicants et journalistes peuvent, chacun à leur façon, « porter la plaie dans la plume ». Défendre une cause juste. Améliorer notre connaissance et notre compréhension de la marche du monde. Nous faire réfléchir et douter. Servir une vérité et n’utiliser le pouvoir de la narration que pour la mise en scène, la mise en lumière de cette vérité, avec un souci de fidélité et de loyauté à son endroit.
Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur sur les communicants et les journalistes mais plutôt de distinguer parmi eux, ceux qui « nous informent bien et font de nous des citoyens, de ceux qui nous informent mal et nous transforment en sujets », pour paraphraser Alfred Sauvy.
Pour les jeunes générations qui s’apprêtent à choisir leur orientation, les formations et les métiers de la communication et du journalisme relèvent donc avant tout d’un choix éthique personnel qu’il peut être utile d’éclairer.
SOMMAIRE
ENTRETIENS
PODCASTS MÉTIERS
Formations à la communication et au journalisme : les partenariats ont bonne presse !
Si l’inclination pour le storytelling influence, à des degrés et selon des modalités divers, tant les journalistes que les communicants, d’autres tendances montrent que les frontières entre communication et journalisme se sont estompées.
Ainsi, quelques-unes des 14 écoles de journalisme certifiées par la profession ont noué des partenariats avec des écoles de communication ou de « business ».
Double diplôme de l’Institut Français de Presse et de l’ESSEC ou de l’école W, du CFJ Paris avec ESCP Business School, HEC, ISIT et « filières passerelles » avec Ecole W (fondée par le CFJ) et Audencia… communication et journalisme ont des affinités qu’ils revendiquent et valorisent.
Cette proximité entre communication et journalisme est en partie consacrée au début des années 70, lors de la création des Sciences de l’information et de la communication (SCI), qui mêlent formations au journalisme, à la communication, à la documentation.
Ce n’est pas un scoop : les NTIC ont profondément bouleversé le rapport à l’information.
Elles sont au XXIème siècle ce que les presses rotatives de Marinoni et la Linotype de Mergenthaler furent au XIXème : un levier exceptionnel de propagation de l’information dont usent et abusent journalistes et communicants.
L’avénement du numérique a non seulement modifié la façon dont le public « consomme » l’information mais il a aussi changé les usages et les pratiques des journalistes et des communicants.
Utilisation de nouveaux formats, culture des partages et des commentaires, quête de « backlinks », impératif d’instantanéité et de présence sociale, prise en compte des algorithmes et des mots-clés, adulation de l’audimétrie… dessinent le visage protéiforme du traitement et de la diffusion d’informations aujourd’hui.
L’espoir de faire émerger les contenus produits en dépend.
Vous avez tous consulté ce matin la matinale du Monde, cette application pour smartphone qui, chaque matin, fait swiper dans des contenus produits par la rédaction du quotidien. Un coup à gauche, l’article est jeté ; un coup à droite, il est conservé. Ces gestes – à droite, à gauche – ont été inspirés par l’application de rencontres Tinder. Le monde de l’entertainment a inspiré celui de l’info.
Cyril Petit • Journaliste • 13ème conférence nationale des métiers du journalisme
Les communicants exploitent désormais les codes de narration propres aux journalistes, tandis que ces derniers font de même avec les nouvelles techniques de communication pour promouvoir, mettre en scène, diffuser leurs récits. Une porosité entre les deux disciplines qui conduit parfois les journalistes à faire de la communication et les communicants à s’improviser journalistes.
(…) la communication est la première sphère d’activité des jeunes journalistes qui ont besoin de compléter leurs revenus. Paradoxalement, il est plus facile, après une école de journalisme, de faire de la communication que du journalisme. On y trouve plus facilement du travail.
Samuel Bouron • Sociologue, maître de conférences à l’Université Paris Dauphine PSL
Les journalistes professionnels sont dorénavant cernés d’une part par la montée en puissance des communicants (attachés de presse, influenceurs, rédacteurs web, Community managers…) et de l’autre par les contraintes sophistiquées de l’intelligence artificielle et du numérique, dont ils empruntent souvent les codes et/ou les outils et techniques.
La proximité entre le journalisme et la communication est due aux outils qui sont les mêmes pour le journaliste ou le communicant. Un communiqué de presse structure son information comme une dépêche AFP. En réalité, c’est la même pratique. Le plus important est de comprendre à qui on s’adresse et pourquoi on le fait. Quand on parle de cible ou d’audience pour une marque, quand on parle de lectorat pour un journal ou un pur player, les objectifs sont quasiment les mêmes : convertir ou convaincre une personne avec un discours.
Philippe Gomont • Directeur de l’agence Ici Barbès
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Montée en puissance de l’IA
Si le domaine de l’intelligence artificielle (IA) nait à la fin des années 50, il faut attendre les années 2000 pour voir apparaître les prémisses de l’apprentissage automatique (machine learning), puis les modèles d’IA appliqués au commerce, à la recommandation de produits, à la publicité ciblée…
L’émergence des modèles d’IA générative et d’IA conversationnelle est encore plus récente. Les systèmes tels que ChatGPT, les chatbots, la création de contenu rédactionnel, audio ou visuel, la modération de contenus en ligne… ont vu le jour à la fin des années 2010.
De nombreuses marques utilisent aujourd’hui ces solutions pour enrichir leurs stratégies de communication et de marketing, pour la personnalisation, l’optimisation des campagnes, de l’expérience et de l’engagement client. Obligeant les professionnels de la communication à maîtriser datas, algorithmes, « prompts », outils de gestion des données, modalités de référencement, d’indexation, de mesure…
Au sein de l’Education Nationale, des services numériques s’appuyant sur l’intelligence artificielle ont été déployés pour faciliter les apprentissages, aider les enseignants, former les étudiants à l’utilisation de ces nouveaux outils…
Médias et journalistes aussi se sont emparés des possibilités offertes par l’IA. Synthèse de contenus, recherche et analyse de données (Data journalisme), amélioration de l’expérience de lecture, vérification d’informations (fact-checking), traduction, production automatisée de contenus… à l’instar de toute technologie ou science émergente, l’IA doit être appréhendée autant comme un facteur de progrès que de risque.
C’est dans cette perspective que la Charte de Paris sur l’IA et le journalisme, initiée par RSF, a vu le jour en 2023.
L’intelligence artificielle pourrait rendre des services éminents à l’humanité, mais elle a de manière évidente le potentiel d’amplifier la manipulation des esprits dans des proportions inédites dans l’histoire. La Charte de Paris est la première référence éthique internationale sur l’IA et le journalisme. Les preuves factuelles, la distinction claire entre les contenus authentiques et synthétiques, l’indépendance éditoriale et la responsabilité humaine seront les premiers gages pour le droit à l’information à l’ère de l’IA. Plus que jamais, le journalisme nécessite un socle éthique solide et largement reconnu. Avec nos partenaires, nous appelons les journalistes, médias et rédactions du monde entier à s’approprier ces principes, à les proclamer, et à les décliner dans leurs pratiques.
Christophe Deloire • Charte de Paris
Un peu plus tôt la même année, le CDJM a fait de même en définissant les bonnes pratiques à adopter en la matière.
Nouveaux médias : un papier nommé désir !
Reporterre, Basta, StreetPress, Vakita, Bloom, Pollinis, La relève et la peste, Blast, Bon Pote, La brèche…
Ces évolutions numériques ont coïncidé avec le développement d’innombrables médias alternatifs, parfois militants, le plus souvent adossés à une cause ou spécialisés sur des thématiques choisies et qui permettent à des acteurs de la société civile de faire passer des messages, des points de vue différents voire divergents, ou d’attirer l’attention du public sur des sujets qui sont peu ou pas relayés par les médias traditionnels.
Soucieux de leur indépendance éditoriale, ils se fédèrent en collectifs, plébiscitent les statuts associatifs ou coopératifs et sollicitent, outre les aides à la presse quand ils le peuvent, des moyens de financement variés : dons, abonnements, vente de produits dérivés, édition papier, publicité ciblée…
Parfaitement au fait des codes et des usages du web, ces médias accueillent en leur sein des professionnels aux profils très différents : journalistes, professionnels de l’information, rédacteurs spécialisés, experts, ingénieurs, social média managers, vidéastes, chargés de projets, responsables plaidoyers… Des profils éclectiques qui produisent et relaient l’information dans des formats multiples (articles, dossiers, enquêtes, vidéos, podcasts, infographies…), avec le même degré d’exigence que les médias traditionnels « papier » ou audiovisuels.
Lesquels ont rapidement compris l’importance de développer leurs propres contenus numériques.
Dans le même esprit, certains professionnels de la communication, des relations publiques, de la publicité, à l’instar des agences Look sharp, Fred&Farid ou RUP, choisissent de collaborer avec des clients « vertueux » ou d’offrir un peu de leur temps sur la création de campagnes éthiques.
Depuis notre création il y a 17 ans, nous revendiquons de faire de la communication au service des associations, fondations, entreprises et acteurs publics sincèrement engagés en faveur de transformations sociales et environnementales. Nous affirmons qu’il est urgent de dépasser la société de consommation pour accéder à une société du bien vivre. Nous déplorons donc certaines communications soi-disant responsables qui ne veulent en fait rien changer en profondeur. Or l’époque a besoin d’engagements authentiques car le temps nous est compté.
Manifeste Agence RUP
Si les différences entre journalistes et communicants se réduisent, il reste aux premiers l’opportunité d’affirmer leurs spécificités : un inébranlable attachement à l’éthique et à la déontologie tel que défini par la profession. Et l’occasion d’endosser ce rôle de filtre de la parole publique ou privée, qui leur incombe.
Recueil et vérification des informations, enquête terrain, indication et croisement des sources, mention des éventuels conflits d’intérêt, affirmation de l’engagement pour une cause… sont autant de manières de faire et d’éléments susceptibles de crédibiliser l’information et de légitimer la fonction du journaliste.
ENTRETIEN AVEC ANNE-CLAIRE MARQUET (SPIIL)
Entretien avec Anne-Claire Marquet, issue d’une formation universitaire en sciences politiques et en affaires européennes, Directrice du Syndicat Indépendant de l’Information en Ligne. Ses missions incluent : le plaidoyer auprès des institutions françaises et internationales, le management d’équipe et la gestion financière et administrative du Spiil.
Pourriez-vous présenter brièvement le Spiil et ses missions ?
Le Spiil a été créé en octobre 2009 pour répondre au besoin de représentation des éditeurs de presse en ligne et s’est ouvert à la presse imprimée en 2018.
Le Spiil défend l’indépendance des entreprises de presse, la neutralité des supports, l’égalité de traitement entre presse imprimée et presse numérique, l’innovation dans le secteur et la transparence pour garantir la confiance du public. Le Spiil entend agir dans l’intérêt du secteur des médias dans son ensemble et du public pour créer les conditions d’une information et d’un débat démocratique de qualité.
Le Spiil compte environ 260 entreprises de presse indépendantes qui éditent 350 titres, généralistes et spécialisés, tous formats (imprimés, pure players, bi médias, podcast, vidéo, etc.) et tous modèles économiques (publicité, abonnements, contributions volontaires, etc.).
La plupart des médias traditionnels (presse, radio, TV) sont la propriété d’entreprises du secteur privé. Qu’en est-il de la presse indépendante d’information en ligne ?
Le Spiil définit l’indépendance selon plusieurs critères :
- éditer au moins un titre de presse à caractère journalistique, quel que soit son support, disposer d’au moins un journaliste professionnel dans son équipe et appliquer la convention collective nationale des journalistes ;
- être une structure éditrice indépendante. L’indépendance est examinée au prisme de plusieurs critères. Pour les sociétés privées, sont notamment vérifiés les points suivants : les actionnaires exercent leur activité principale dans le domaine des médias, les sources de financement sont transparentes, les personnes impliquées dans la gouvernance ne se trouvent pas dans des situations de conflit d’intérêts. Pour les associations, les sources de financement sont diversifiées et transparentes, les responsables ne se trouvent pas dans des situations de conflit d’intérêts. Il est donc possible pour un média membre du Spiil d’être contrôlé par une société privée. En revanche, si l’actionnaire principal opère dans un secteur différent de celui des médias, par exemple, l’armement ou la logistique, il ne lui sera pas possible d’être membre du Spiil.
- Respecter les principes de déontologie journalistique, en mettant notamment en œuvre tous les moyens nécessaires pour appliquer la Charte de Munich des droits et des devoirs des journalistes.
Les aides de l’État vont principalement aux médias « papier », pourtant minoritaires en termes d’audience. Que proposez-vous ?
La presse est source d’externalités positives pour la société dans son ensemble, tant d’un point de vue économique que social.
La presse joue un rôle démocratique majeur, en produisant des informations vérifiées, indispensables pour lutter contre la prolifération des fausses informations, nourrir le débat d’idées et permettre à chacun d’exercer sa citoyenneté.
Le système d’aides publiques actuel tel qu’il est pensé ne correspond plus aux réalités du marché de la presse et ne remplit pas pleinement sa mission initiale de soutenir le développement du pluralisme.
Il existe à l’heure actuelle plus d’une cinquantaine de dispositifs différents d’aides à la presse, avec des distinctions entre les supports, sous différentes formes : subventions pour soutenir l’investissement, déductions fiscales et sociales, subventions d’exploitations, etc. Le système existant est foisonnant, difficilement compréhensible pour les porteurs de projets et le grand public, avec des règles parfois opaques.
Les éditeurs doivent demander ces aides et faire face à des délais d’attribution souvent longs pour certaines subventions, ce qui peut freiner l’innovation dans les rédactions.
Afin de simplifier ce système pour tous les acteurs de la presse, le Spiil propose un choc de simplification des aides publiques au travers d’un crédit d’impôt à la production journalistique et à la diffusion de l’information.Le crédit d’impôt, qui se pratique déjà dans le secteur du cinéma et des jeux vidéo, permettrait de gagner en lisibilité, en transparence pour le grand public et en visibilité pour les entreprises.
S’agissant de la presse indépendante d’information en ligne, quels sont les métiers amenés à se développer dans les années à venir ?
Avec le développement de l’utilisation de l’intelligence artificielle, les journalistes, par leur capacité à analyser l’information, resteront des acteurs indispensables des entreprises de presse.
Il est de plus en plus attendu qu’ils comprennent les technologies d’intelligence artificielle générative pour en tirer le meilleur profit dans leur activité : synthétiser des informations ou analyser en masse des données, tout en connaissant les limites de ces outils.
Un certain nombre de rédactions attendent également que les journalistes soient capables de créer un lien avec le public, en particulier grâce à nouveaux formats éditoriaux sur les réseaux sociaux : vidéos explicatives, présentation des coulisses du média, réponse aux questions des lecteurs, etc.
Face au développement de nouveaux outils techniques, tant d’un point de vue éditorial que de la monétisation, nous voyons apparaître de nouvelles fonctions qui assurent la coordination entre les aspects éditoriaux et technologiques et/ou produit : responsable de l’engagement et de la monétisation, responsable du produit éditorial, responsables de l’innovation éditoriale…
ENTRETIEN AVEC ROBIN SAXOD (COOP-MEDIAS)
Entretien avec Robin Saxod, co-porteur de projet Coop-médias. A la sortie de son cursus à Sciences Po Grenoble, Robin s’engage auprès d’élus locaux comme conseiller environnement au cabinet du Président de la Métropole où il gère différents projets sur la ville durable. Convaincu de la nécessité de renforcer le pouvoir citoyen, il met ensuite son expérience au service du dialogue élus / habitants en intégrant le Collectif pour une Transition Citoyenne au sein duquel il coordonne le plaidoyer et l’accompagnement à la construction d’alternatives. C’est dans cette continuité et afin de favoriser la participation du citoyen à la construction d’un paysage médiatique indépendant, pluraliste et engagé qu’il porte au sein du collectif le projet Coop-médias.
CDJM, Arcom, Ofalp, SNJ, CCIJP, SPIIL, Acrimed… Il existe de nombreuses entités chargées de défendre les médias et la liberté de la presse ou de protéger la parole des journalistes. Y compris des médias ayant adopté le statut de média coopératif et citoyen (Politis, Le Moment…). Pourquoi avoir fondé Coop-medias et quels seront les médias que vous soutiendrez ? ?
L’objectif principal de Coop-médias est d’associer, au sein d’une même structure, des médias indépendants, des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des mouvement associatifs et surtout des citoyennes et des citoyens, pour soutenir promouvoir et défendre la presse indépendante.
Malgré l’existence de plusieurs organismes, la défense du pluralisme de la presse et de l’indépendance des médias n’est toujours pas une « grande cause » sociétale et démocratique au même titre que la justice sociale et la transition écologique qui comptent des centaines de milliers de bénévoles, des milliers d’ETP, de milliards d’euros de financement …
En partant du principe que l’information est un bien commun, essentielle à notre société et notre démocratie, Coop-médias souhaite permettre à toutes et tous de s’y investir, à la fois financièrement via du placement d’épargne dans la coopérative mais aussi personnellement, via les diverses activités proposées aux sociétaires (diffusion, éducation populaire, plaidoyer).
Vous faites le « constat d’un paysage médiatique en crise, à l’indépendance menacée par l’influence d’intérêts politiques et privés, dont la défense n’est plus correctement assurée par la puissance publique ». Pourriez-vous expliciter ces différents points ?
Selon l’Humanité, 80 % des ventes de la presse quotidienne nationale, 95 % de celles des hebdomadaires généralistes et plus de la moitié des audience TV et radio appartiennent à moins de 10 milliardaires en 2022.
La concentration a depuis augmenté avec notamment le rachat de Paris Match …
Ceux-ci ne se privent pas d’user de leur pouvoir de propriétaire pour influencer les lignes éditoriales des rédactions, comme on a pu le voir sur Cnews ou Europe 1.
Reporters sans frontières a d’ailleurs classé la France seulement 26ᵉ dans son classement sur la liberté de la presse. Elle souligne l’inquiétante concentration et uniformisation des grands médias, les cas d’ingérence politique et de pressions économiques exercées sur les rédactions via les subventions ou les annonceurs.
Enfin, les aides publiques sont pour la majeure partie concentrées sur quelques titres papiers historiques, principalement contrôlés par une poignée d’industriels.
Comme le regrette régulièrement la Cour des Comptes , elles ne sont ni transparentes, ni évaluées, ni soumises à objectifs, ce qui favorise selon le Syndicat pour la Presse Indépendante d’Information en Ligne un système de “rente sans contrepartie” qui défavorise les médias indépendants plus confidentiels ou émergents.
Vous définissez un média indépendant comme étant « une structure revendiquant la transparence, l’indépendance et l’autonomie vis-à-vis des pressions politiques, économiques ou idéologiques ». Si « idéologie » s’entend au sens de « sciences des idées », les médias concernés n’ont-ils pas justement vocation à ouvrir le champ des possibles en la matière ? Et les aides publiques à la presse dont bénéficient certains de ces médias ne constituent-elles pas une forme de pression à la fois politique et économique ?
Les maîtres mots ici sont indépendance et transparence. Il est bénéfique et indispensable d’avoir une diversité d’opinions et des traitements de l’information riches et variés, s’il s’agit de la ligne éditoriale choisie par la rédaction (potentiellement en lien avec les propriétaires) et identifiée comme telle.
Le risque, avec le rachat de titres d’information généraliste installés et identifiés par des grands groupes, c’est qu’ils utilisent l’image et la réputation de ces médias pour pousser une idéologie principalement en faveur de leurs intérêts privés et politiques, de manière insidieuse et dissimulé.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite s’orienter vers le secteur de la communication ou du journalisme afin de défendre des causes environnementales ou sociétales ?
Faire preuve d’intérêt, de curiosité. S’informer et se former via des multiples sources, jusqu’aux plus « radicales » et se confronter à une diversité d’opinions.
La littérature et les idées autour des questions de la transition sont extrêmement riches et souvent résumées de manière triviales ou binaires. Un des enjeux est justement d’aller au delà de ces lieux communs pour construire son esprit critique.
De même, il est important de questionner et requestionner les discours, les éléments de langage en se posant la question de qui parle, à qui, pourquoi, dans quel but …
Surtout, s’engager sur le terrain, auprès d’associations, de mouvement de la société civile, d’entreprises de l’ESS … Explorer ce qu’on appelle encore aujourd’hui « les alternatives » car elles sont en marge du modèle capitalistique libéral dominant, mais sont pourtant indispensables pour porter une société plus humaine, solidaire, écologique et démocratique dont les citoyennes et citoyens sont au cœur.
Professionnels des médias et de la communication : le contrat de confiance remis en cause ?
Dans une « carte blanche » sur le thème La perte d’influence des éditorialistes… La fin de l’élite journalistique ? publiée en 2023 lors de la 13e Conférence nationale des métiers du journalisme, Maria Santos-Sainz (maîtresse de conférences Habilitation à Diriger des Recherches à l’Institut de journalisme Bordeaux-Aquitaine) écrivait :
L’existence, à quelques jours de la première grande mobilisation contre la réforme des retraites, d’un déjeuner entre le président de la République, Emmanuel Macron, et dix éditorialistes présentés comme les plus influents en France a été révélée par plusieurs médias. Cet événement montre la façon dont le pouvoir essaie de les instrumentaliser : comme d’usage lors de telles rencontres, les éléments de langage exprimés par le chef de l’État – même si ce déjeuner était censé rester secret – ont été repris par tous les éditorialistes invités.
Journalisme ou communication ? Chacun jugera. Que des éditorialistes puissent ne s’envisager qu’en porte-voix d’un président lobbyiste ou papotent avec l’élite républicaine lors des célèbres déjeuners du Siècle n’est pas chose nouvelle. Sur ces sujets, les publications abondent.
Mais certains considéreront que ces pratiques s’éloignent de ce genre journalistique né au XIXe siècle et qui correspondait « à la volonté de porter sur l’actualité un jugement personnel (celui d’un journaliste) ou collectif (celui d’une rédaction) » précise Alexis Lévrier, historien des médias et maître de conférences à l’Université de Reims.
L’espace public se doit ainsi d’offrir la possibilité d’accéder à une multitude de traitements éditoriaux de l’actualité ainsi qu’à des points de vue différents sur les problèmes publics, c’est-à-dire sur les questions nécessitant une forme d’intervention de l’État, et ceci de manière équilibrée. Ce pluralisme médiatique offert au public est une condition sine qua non de l’adhésion des citoyens au jeu démocratique.
Nikos Smyrnaios • La concentration des médias contre la démocratie • La vie des idées (Collège de France)
Selon Daniel Cornu, médiateur de presse en Suisse et référant en déontologie du journalisme, la nature, le choix, le traitement et la diffusion d’une information peuvent être appréhendés selon l’intérêt qu’elle procure : intérêt public, intérêt du public ou intérêt privé.
Elle peut être publicitaire, visuelle, politique, financière, scientifique, institutionnelle, culturelle, interne ou externe, de crise, BtoB ou BtoC voire BtoBtoC… La communication couvre des champs d’application multiples, dont les intérêts privés sont, souvent, les commanditaires et les bénéficiaires.
En revanche, la vocation, pour ne pas dire la mission première du journaliste ne devrait-elle pas consister à privilégier le recueil, la vérification et le commentaire d’une information qui relève de l’intérêt public ?
Les médias ont 20 fois plus traité de la Coupe du monde au Qatar que de la COP15 sur la biodiversité, elle-même couverte à hauteur de 0,3 % de l’espace médiatique sur les deux semaines de l’évènement.
Parce qu’ils consistent à prioriser les centres d’intérêt (supposés) du public ou les intérêts privés, les partis pris éditoriaux d’une partie des « grands » médias d’une part, les algorithmes utilisés par les géants du web d’autre part, faussent la réalité du monde.
Ils délivrent une information qui ne reflète plus la « vérité » ou la représentativité de l’actualité telle qu’elle se joue, mais à prioriser les sujets qui font le « buzz » ou servent des desseins particuliers.
Les atermoiements d’un Cyril Hanouna évincé de la TNT ou les accusations de triche du vainqueur des Championnats du monde de cassage de marrons ont ainsi largement plus occupé l’espace médiatique que les crises humanitaires en cours en Angola, en Zambie ou au Burundi, ou les inondations dévastatrices en Europe de l’Est.
Dans certains médias, intérêt du public et intérêts privés priment sur l’intérêt public. Rien de nouveau sous le soleil de la société du spectacle.
Ce dogme de l’actualité masque, en fait, une option économiste : est demandé au journaliste de s’abstraire, de renoncer à ses valeurs, s’il en a, au profit d’une hiérarchie de l’information grand public. « Est-ce qu’il faut rallumer son chauffage ? Avec le coup de froid de ce matin, voilà la question que se posent les gens. Ça, c’est un reportage d’actualité, et ça concerne 60 millions de Français », assure le responsable de la formation télé (du CFJ NDLR). Les nouvelles aux conséquences diplomatiques ou sociales passent à la trappe, tandis que prime désormais l’intérêt immédiat de l’audience, qui vaut au sujet d’être rebaptisé « d’actualité ».
François Ruffin • Le Monde diplomatique • Le Centre de Formation des Journalistes saisi par l’argent roi • Février 2003
Dans ce nouveau paysage de la communication journalistique (ou du journalisme communicationnel), il arrive que des débats audiovisuels tiennent plus d’un bavardage que ne renierait point un Robert Bidochon confortablement accoudé au comptoir de son bar préféré.
Il arrive que face à certains événements diffusés en direct, nous restions circonspects devant les plans fixes des chaînes d’informations en continu. Lesquelles s’évertuent à légender ce qui nous est donné à voir faute d’avoir mieux à nous dire de ce qu’il se passe vu qu’il ne se passe pas grand chose (à « rendre visible ce qui est visible » aurait conclu Michel Foucault).
Il arrive que nous écoutions Laurent Delahousse ou Anne-Claire Coudray nous conter la marche du monde en nous regardant droit dans les yeux, sourire poudré scellé à l’oreillette. Comment imaginer que les retraites dorés d’Antoine Griezmann ou de Rafael Nadal ne reflètent pas nécessairement la rude et disparate actualité planétaire ?
Au moins le spot publicitaire subséquent pourra-t-il nous convaincre d’acheter les chaussures de sport d’une grande marque. Vendre du « temps de cerveau humain disponible » reste un métier en vogue.
ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN CHAVAGNEUX (ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES)
Entretien avec Christian Chavagneux, Directeur des publications, Président du conseil d’administration, Editorialiste, Responsable Rubrique Livres d’Alternatives économiques.
Le média Alternatives économiques « s’intéresse à l’économie comme enjeu collectif et social, à travers des thématiques variées (Europe, mondialisation, travail, emploi, santé, retraites, famille, transports, solidarité, éducation, cadre de vie, environnement…) ». Sa ligne éditoriale se distingue par un engagement en faveur d’une économie qui promeut un monde plus solidaire, durable et social, fortement éloignée, pour ne pas dire aux antipodes des politiques néolibérales. Cet engagement, que d’autres publications, de plus en plus nombreuses, partagent aussi, témoigne de l’intérêt croissant du public pour ces thématiques. En France, les évolutions et les changements concrets opérés sur ces sujets depuis les 10 dernières années vous paraissent-ils à la hauteur des souhaits et des attentes ? Pour quelles raisons ?
La réponse est clairement non. Les politiques économiques, sociales et environnementales suivies depuis une dizaine d’années ne vont pas dans le sens d’une France, d’une Europe et d’un monde plus solidaire et plus respectueux de la planète.
En France, la politique suivie depuis de nombreuses années a consisté à vouloir accroître le potentiel de croissance de l’économie par la flexibilisation du marché du travail, les déréglementations tous azimuts, la baisse de la fiscalité en faveur des entreprises et des plus riches.
Cette stratégie a échoué à augmenter les potentiels de croissance.
On peut en faire aujourd’hui le bilan : la pauvreté s’accroît, le réchauffement climatique se poursuit, les comptes publics sont en déroute, la productivité est en berne, le commerce extérieur est déficitaire. C’est un échec sur toute la ligne.
On a malheureusement l’impression de revivre en partie les années 1930. L’intellectuel allemand conservateur Carl Schmitt s’exprimant devant le patronat allemand en 1932, expliquait que l’économie était victime de trop d’étatisation, au sens d’une socialisation trop grande des revenus.
Pour être financée, cette socialisation réclame des impôts, une sorte de mal absolu contre lequel il faut lutter, en particulier parce qu’il entame la rentabilité et la compétitivité des entreprises. En retour, son compatriote Hermann Heller a pointé la menace d’un libéralisme autoritaire.
Plus de 90 ans plus tard, la réforme des retraites, les 49.3 à répétition, la remise en cause des partenaires sociaux, le refus de prendre en compte une partie des oppositions, en ont été la manifestation.
Certes, la France reste une démocratie : nos dirigeants sont élus, il existe des contre-pouvoirs. Mais le libéralisme autoritaire, parce qu’il est anti social, parce qu’il nourrit les inégalités, parce qu’il met l’Etat au service des riches et des entreprises, nourrit le populisme nationaliste. On en est là.
Vous publiez chaque année le hors-série Réussir les Sciences Économiques et Sociales afin de préparer les élèves de terminale aux épreuves de la spécialité éponyme du bac. Marché, financement de l’économie, monnaie, chômage, crises financières, actions publiques pour l’environnement… Comment traitez-vous ces sujets tels qu’ils sont abordés dans les programmes de l’Education Nationale à l’aune de votre ligne éditoriale ?
Notre première ligne éditoriale est d’abord celle de la pédagogie. Ce Hors-série est confectionné par des professeurs de lycée qui connaissent les programmes sur le bout des doigts et sont de véritables pédagogues.
Je me suis occupé de la première édition et j’avais demandé aux enseignants deux choses :
- faire les liens entre les notions, c’est ce qu’il y a de plus difficile pour un apprenti économiste, c’est pourquoi vous y trouvez de nombreux schémas ;
- et proposer des questions pour chaque chapitre qui feraient de bons sujets de bac pour la partie utilitaire.
Quand on fait de la pédagogie pour lycéens et lycéennes, le discours militant démonstratif n’a pas sa place.
L’orientation est donnée par le choix de l’interdisciplinarité : si vous voulez comprendre votre monde, faites de l’économie mais aussi de la sociologie et de la science politique, c’est ce que dit le programme de SES.
L’orientation est aussi donnée par le choix des thèmes traités : sur le chômage, les crises financières, la structuration sociale française, l’engagement politique, les questions environnementales, etc., il est important de donner les outils intellectuels qui permettent de comprendre les débats en cours.
Dans la diversité des approches qu’ils proposent, ces outils montrent qu’il n’y jamais une seule vision possible de l’économie. A chacun et chacune ensuite de faire ses choix citoyens.
Quel regard portez-vous sur les formations au journalisme ? Quels conseils donneriez-vous à un élève de terminale qui envisage d’exercer ce métier ?
Pour nous, les meilleures formations au journalisme sont celles qui arrivent après une formation initiale, en économie, c’est ce que nous préférons, ou bien des profils type Sciences Po de Paris ou de province.
Il faut d’abord se construire intellectuellement et cela prend un peu de temps.
Ensuite, si on le souhaite, on peut apprendre les techniques du journalisme. Généralement, les apprentis journalistes craignent le travail sur les sujets économiques. Il est vrai que la matière est plutôt technique, il faut aimer cela. Et à Alternatives Economiques, nous sommes férus de statistiques et de graphes, mieux vaut aimer les chiffres !
Il est préférable pour faire ce métier d’être passionné de macroéconomie, de stratégie d’entreprise, de questions environnementales ou de questions de société puis d’apprendre à les mettre en scène pour un public de non spécialiste.
ENTRETIEN AVEC EVA MOREL (QUOTA CLIMAT)
Entretien avec Eva Morel, Secrétaire Générale de Quota Climat.
Pouvez-vous présenter brièvement Quotaclimat ?
QuotaClimat est une association œuvrant pour améliorer et augmenter la couverture médiatique des enjeux écologiques, en France et à l’international.
Ses moyens d’action sont de trois ordres :
- interpeller les médias chaque jour sur les réseaux sociaux concernant la manière dont ces enjeux sont traités,
- utiliser les leviers politiques/réglementaires/juridiques pour obtenir des changements systémiques,
- et produire de la donnée, notamment via l’élaboration de l’Observatoire des Médias sur l’Écologie avec un consortium de partenaires.
Dans une étude de la Fondation Jean Jaurès (2022) que avez reprise, seuls 6 français sur 10 partagent le consensus du GIEC sur les causes du changement climatique (« principalement l’activité humaine »). Alors qu’ils sont 8 sur 10 à considérer qu’il aura des conséquences directes sur leur vie dans les dix ans à venir (IFOP-2023) et à manifester de l’anxiété à l’encontre de ces phénomènes (CESE-2023). Comment expliquez-vous cette relative défiance pour la science et en même temps cette inquiétude pour ce qu’elle révèle ?
Les climatosceptiques ne doutent pas tous (voire en grande majorité pas) de l’existence du réchauffement climatique, mais plutôt de son origine humaine. C’est donc logique que même en doutant de son origine humaine, beaucoup soient inquiets des conséquences du réchauffement climatique sur leurs vies.
Le président du lobby français automobile invité sur RMC SPORT au sujet du durcissement du malus écologique et traité comme un expert neutre, l’enquête de deux journalistes du Point présentant les écologistes comme les « vrais » ennemis de la transition écologique, le contenu anxiogène d’un JT de France 2 qui couvre les inondations en Europe centrale sans nommer la responsabilité du réchauffement climatique… les cas que vous relayez régulièrement interrogent sinon sur les compétences, en tout cas sur l’éthique d’un journalisme qui s’exonère de son devoir d’informer pour éclairer. Sont-ils des accidents isolés ou révèlent-ils une tendance de fond ?
Ces exemples révèlent une tendance de fond : les variables environnementales ne sont pas conçues comme des déterminants de l’actualité, mais comme des variables isolées, thématiques, déconnectées du reste, voire insignifiantes et dépassables (notamment par l’innovation technologique).
Ce qui interroge n’est pas que les journalistes possèdent des biais individuels, mais qu’une profession dont le respect de la déontologie conditionne la capacité du public à se former une opinion éclairée n’interroge pas en profondeur la manière dont ces biais individuels/collectifs se retrouvent dans le traitement de l’information.
Le fait est qu’aujourd’hui, l’information environnementale est invisibilisée, sous-estimée, déformée, caricaturée et réduite à une poignée de sujets emblématiques au détriment de sa diversité. Et que cela traduit un échec de la profession journalistique à s’adapter à une nouvelle donne : celle des crises environnementales qui s’accélèrent.
À tel point que le premier devoir journalistique selon la charte de Munich (dire la vérité) ne soit plus respecté.
Satisfaction de l’audience, voire des actionnaires, recherche de rentabilité, contraintes de l’actualité, nécessités de l’instantanéité… les médias évoluent dans un monde qui ne s’envisage que sous le prisme de la consommation et de la croissance économique. Sauf à changer de paradigme sociétal, n’est-il pas utopique d’espérer un « meilleur traitement médiatique » du climat et de la biodiversité ?
Ce n’est pas utopique, et nous obtenons régulièrement des victoires qui montrent que des progrès sont atteignables même sans changer tout de suite tout le système.
Des victoires comme :
- l’ARCOM qui émet pour la première fois une sanction financière pour climatoscepticisme, reconnaissant ainsi le consensus scientifique sur l’évolution du climat comme un fait établi devant servir de boussole aux journalistes,
- Franceinfo qui émet un correctif suite à une intervention climatosceptique non-contredite sur son plateau,
- des députés de 7 groupes politiques qui se mettent d’accord sur une proposition de loi pour proposer un quota de temps dédié à l’écologie en période électorale… les choses bougent.
Quel message aimeriez-vous faire passer à des lycéens qui envisagent de faire des études de communication ou de journalisme ?
La profession de communicant et de journaliste est centrale pour façonner les perceptions, les imaginaires, les vocations, les actions, et surtout toucher les classes dirigeantes. C’est un levier formidable lorsqu’il est utilisé pour accélérer le progrès social plutôt que le ralentir. Il est à manier avec précaution et humilité : choisissez cette profession, mais ne cessez jamais de vous interroger sur votre impact !
Ces choix éditoriaux expliquent-ils en partie la perte de confiance du public pour les « grands » médias comme pour les communicants ? Et la montée en puissance de médias et de « paroles journalistiques » alternatifs ?
Dans le dernier classement RSF de la liberté de la presse, la France arrive en 21ème position. Derrière le Timor oriental et devant les Samoa.
Si le cadre légal et réglementaire est favorable à la liberté de la presse, les outils visant à lutter contre les conflits d’intérêts et à protéger la confidentialité des sources sont insuffisants, inadaptés et dépassés. L’absence de financement pérenne après la suppression de la redevance fragilise l’audiovisuel public. En dépit de l’adoption d’un nouveau schéma de maintien de l’ordre, plus respectueux des droits des journalistes lors des manifestations, les reporters continuent de faire l’objet de violences policières en plus des agressions de la part de manifestants.
RSF • 2024
Et dans le dernier rapport de Reuters Institute, seuls 30% des Français interrogés ont répondu oui à la question « pensez-vous pouvoir faire confiance à l’actualité la plupart du temps ? ». Plaçant la France parmi les pays qui font le moins confiance aux médias d’actualités.
Les communicants n’échappent pas à cette tendance.
Plus de 50 % des Français n’ont plus confiance dans le discours des entreprises ! Et sur 10 ans, date de création du baromètre Makheia-Occurrence, qui précisément cherchait à vérifier la réalité du « désamour » entre les Français et les entreprises, la tendance est à la baisse. Ils ne sont, en effet, plus qu’un gros tiers (37 % ) à croire celles-ci lorsqu’elles communiquent. Mensongères, opaques, abusives, manipulatrices ! La communication ne passe plus entre consommateurs, salariés, citoyens et entreprises, et les mots sont forts.
Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec) • 2017
Hervé Brusini • Pour qui travaillent les journalistes • Editions de l’Aube
Greenwashing, pression, lobbying et désinformation fondent dans la bouche, pas dans le saint
« Cinq groupes de travail rassemblant une cinquantaine de personnes, 22 assemblées citoyennes et évènements organisés en région, 174 auditions, 76 contributions écrites ». Lancés en 2023 à l’initiative d’Emmanuel Macron, les Etats Généraux de l’information confiés au CESE (Conseil Economique Social et Environnemental) ont rendu leur rapport en septembre dernier.
Au programme des sujets abordés : impact des innovations technologiques sur l’information, conditions d’exercice du métier de journaliste, développement de l’éducation aux médias et à l’information, modèle économique et régulation du secteur des médias, ingérences et manipulations de l’information…
Le titre de l’introduction ne laissait guère planer le doute sur les enjeux : « Sauvegarder et développer le droit à l’information : une urgence ».
Dans un entretien accordé à TheConversation, Alexis Lévrier, est plus dubitatif : « Il s’agit d’une immense déception. »
En théorie et sous réserve qu’elles soient mises en place, le Maître de conférences et Chercheur associé au GRIPIC (Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur les Processus d’Information et de Communication de Celsa Sorbonne Université) salue les propositions qui portent sur l’éducation aux médias, la création d’un statut juridique de « société à mission d’information », l’amélioration de la protection du secret des sources, la contribution obligatoire des plates-formes numériques sur la publicité digitale (GAFAM)…
(…) l’influence des industriels sur le journalisme s’exerce aussi par des mécanismes de censure, et surtout d’autocensure. Sujet tabou dans la profession, les mesures de rétorsion publicitaire liées aux articles peu appréciés des grands annonceurs sont pourtant réguliers et ces rares coup d’éclat installent, de manière plus permanente, une forme d’autocensure des rédactions et journalistes. (…) En France, en novembre 2017, LVMH a retiré 600 000 euros de publicités à Le Monde suite à la publication des paradise papers. Le même mois, Élise Lucet, journaliste phare de l’émission télévisée Cash Investigation, dénonçait le chantage des annonceurs directement vers la direction de France Télévisions.
Rapport Big Corpo • 2020
Aujourd’hui aussi, la plupart des quotidiens nationaux et locaux, la totalité des chaînes privées de télévision sont la propriété d’une poignée de grandes entreprises.
Une situation qui n’a probablement guère réjouit certains directeurs de rédaction (Hervé Gattegno au Journal du Dimanche et à Paris-Match, Nicolas Barré aux Echos…), remerciés en leur temps par ces actionnaires plus enclins à défendre leurs intérêts, à muscler leur influence idéologique ou à entamer des « procédures baillons » visant à décourager les enquêtes journalistiques, qu’à lutter contre le climatoscepticisme ambiant.
Il faut en revanche apprécier à sa juste valeur la louable discrétion de ces mêmes grands dirigeants encaissant chaque année quelques dizaines de millions d’euros d’aides publiques à la presse, indépendamment de résultats financiers records
L’information est pensée comme un bien public, mais produite comme une marchandise.
Pierre Rimbert • Monde Diplomatique • 2014
Les ami.e.s, la situation devient de plus en plus compliquée on ne va pas se le cacher. Facebook et Instagram censurent de plus en plus nos articles qui les dérangent. Une baisse de plus 60% de notre audience est dramatique pour une information gratuite et sans pub. En plus de cette invisibilisation de nos contenus, nous recevons des mails de pression de lobbies pour faire supprimer nos articles. Preuve que nos articles marchent et font bouger les lignes…
Message adressé aux lecteurs du média indépendant La relève et la peste
L’incursion médiatique du secteur privé touche aussi la presse professionnelle. Agricole par exemple…
Certains journalistes ont débuté leur carrière comme communicant dans des organisations professionnelles agricoles ; les associations des deux métiers autorisent à la fois l’adhésion des uns et des autres. En outre, ce secteur professionnel semble tout acquis au syndicalisme majoritaire agricole de la FNSEA qui est actionnaire d’un bon nombre de titres (…) Par-delà leurs distinctions de rôles et de métiers, communicants et journalistes communient dans une célébration des valeurs de la profession agricole qui estompe la plupart de leurs oppositions (…) Les relations entre journalistes et communicants se déploient dans le cadre d’une organisation spécifique de coproduction de l’information agricole.
Ivan Chupin et Pierre Mayance • Au service de « La Profession »
Permettre au secteur privé de posséder 95% des médias et penser que la liberté de la presse et la pluralité de l’information sont garanties. C’est un peu comme confier la présidence de la COP23 au sultan et magnat des énergies fossiles Al Jaber en gageant qu’il contribuera à faire baisser les émissions de CO2.
Ou supposer que les sommes investies dans l’enseignement supérieur par les grandes entreprises relèvent d’un désintéressement qui confine à la philanthropie.
Car le secteur privé s’intéresse aussi à l’éducation
Sciences Po ou l’école des Mines de Nancy avec Total, l’École des ponts avec Veolia, Centrale avec Schlumberger, l’université Paris-Dauphine avec Mazars et le Crédit Agricole, co-création d’un diplôme « Sciences pour un monde durable et impact positif » par l’université Paris Sciences & Lettres (PSL) et BNP Paribas (SIC)…
Dans le cadre de deux enquêtes publiées en 2020 pour le premier, en 2024 pour le second, Socialter d’une part, Libération d’autre part, font état de ces contrats de mécénats et autres partenariats qui lient formations et entreprises dans une complète opacité.
Libération, qui a pu se procurer certains de ces contrats, pointe, selon les cas, des obligations de non dénigrement du mécène, le secret des affaires s’agissant des clauses du contrat, la participation de l’entreprise à « la sélection des doctorants, à l’évaluation de leurs travaux et au choix des lauréats des prix de thèse »…
Pour redonner à l’enseignement supérieur son rôle de préparation à l’esprit critique plutôt qu’à « l’esprit d’entreprise », garantir l’indépendance des formations ou mobiliser les étudiants autour des grands enjeu de la transition écologique, certains s’activent:
- L’association Acadamia a vu le jour pour réclamer « l’accès aux documents administratifs dans les milieux de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la culture »;
- le collectif d’étudiants Pour un réveil écologique a été lancé en 2019; il tend à inscrire les enjeux environnementaux dans les formations de l’enseignement supérieur et les emplois;
- Le Shift Project a publié son rapport « Mobiliser l’enseignement supérieur pour le climat »;
- En 2022, des étudiants de l’IPJ Dauphine ont publié dans Libération : « Crise climatique : journalistes, réveillez-vous ! ». Ils déploraient la façon dont les enjeux environnementaux étaient abordés par les médias;
- ONG créé en 2019, le Fond pour une Presse Libre (FPL) défend le pluralisme de la presse, la liberté de l’information et l’indépendance du journalisme;
- L’appel citoyen lancé lors des dernières Législatives par l’association Un Bout des Médias et qui formulait cinq propositions à destination des candidates et candidats pour l’indépendance des médias;
…
(…) ces conventions de mécénat, tout comme les contrats de sponsoring ou les conventions partenariales sont rarement – sinon jamais – accessibles sur les sites internet des établissements publics. Seuls les membres des conseils d’administration peuvent les consulter, à condition d’en faire la demande. Il n’existe aucune obligation de transparence. Interrogé par Libération, le ministère de l’Enseignement supérieur n’a pas été en mesure de fournir le nombre (ni même un ordre de grandeur) des contrats liant entreprises et universités. Impossible de la même façon de savoir quelle part représentent aujourd’hui les fonds privés dans le budget des universités. (…) En 2007, la loi Pécresse sur l’autonomie des universités avait élargi – et fortement encouragé – le recours à des fonds privés. Mais sans aucune règle, ni même un guide de bonnes pratiques, comme il en existe dans le domaine de la culture.
Marie Picquemal • Libération • Total, L’Oréal… quand des multinationales dictent leur loi à l’enseignement supérieur • Octobre 2024Depuis une trentaine d’années, la nature et la multiplicité des liens entre les entreprises privées, l’université et les grandes écoles françaises ne cessent de s’étendre. Une tendance révélant non seulement le dispositif idéologique à l’œuvre, mais aussi les incohérences de certaines institutions qui initient des partenariats privés avec des sociétés polluantes tout en promouvant la transition écologique.
Léa Dang • Socialter • Les grandes écoles à la botte des multinationales • Octobre 2020
Malgré ce contexte un tantinet sombre, la montée en puissance des médias alternatifs et le dynamisme des organisations qui oeuvrent pour le bien commun (associations, ONG, collectifs…) illustrent les désirs profonds de changement d’une partie croissante du public.
Parce qu’ils témoignent aussi des mutations en cours s’agissant des façons de communiquer et de pratiquer le journalisme, les formations et les métiers qui touchent à ces sujets augurent un avenir radieux pour les jeunes générations.
ENTRETIEN AVEC CÉLINE RÉVEILLAC (COMMUNICATION & DÉMOCRATIE)
Entretien avec Céline Réveillac, Présidente de l’association Communication et démocratie. Céline partage son temps entre un poste de responsable communication à temps partiel dans le secteur de la cancérologie, des missions en freelance (conseil et formation), et des interventions dans l’enseignement supérieur sur les sujets de communication responsable et greenwashing. En parallèle, elle anime le compte Instagram Greenwashing_lovers et est co-fondatrice de Reboot!, un événement qui a vocation à sensibiliser les étudiantes et étudiants en communication aux enjeux de responsabilité sociétale et environnementale.
Pourriez-vous présenter brièvement l’association Communication & démocratie ?
Communication et démocratie est une association qui travaille sur les enjeux de régulation de la publicité et de la communication.
Notre ambition est de transformer en profondeur les pratiques de la communication et notamment les pratiques néfastes pour l’environnement et la santé publique.
Nous travaillons sur des thématiques telles que la communication commerciale, le blanchiment d’image, le lobbying, ou encore la formation et la sensibilisation des communicants.
Comment s’organise aujourd’hui en France la régulation de la communication commerciale (législation, acteurs…) ? Vous semble-t-elle suffisante ?
Il existe différents dispositifs de régulation. D’abord au niveau de la hard law (droit contraignant), il existe des lois, décrets ou règlements avec des sanctions légales en cas de non-respect. Mais très peu de moyens (voire quasi aucun moyens) ne sont mis en place pour permettre ce respect.
Un récent rapport de la Répression des fraudes (DGCCRF Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sur le contrôle des allégations environnementales utilisées pour valoriser les produits non-alimentaires et les services montrait que sur les 1100 établissements contrôlés, un sur quatre était en anomalie.
Du côté des influenceurs, qui représentent désormais une part importante de la publicité, là encore la répression des fraudes montre un non-respect préoccupant : 60% des influenceurs ciblés par la DGCCRF était en anomalie (non-respect de la la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs).
De côté de la soft law (règles ou des codes de conduite non contraignants), il existe une instance d’auto-régulation organisée par la profession : l’ARPP. Celle-ci élabore des codes de bonne conduite, et sont censées servir de référence aux acteurs de la publicité.
Par exemple, un guide de bonne conduite des influenceurs a été élaboré par le ministère de l’économie, et un “certificat de l’influence responsable” est proposé par l’ARPP. Le problème de ces initiatives est qu’elles ne sont dotées d’aucun pouvoir de contrôle ni de sanction, tout en offrant une image responsable.
Consciente de la nécessité d’acter les bouleversements environnementaux, la Filière communication affirme vouloir agir « pour une société meilleure ». Un objectif affiché dans son contrat de filière et qui compte « 7 engagements pour le climat ». Ces intentions vous paraissent-elles aller dans le sens souhaité ?
Ces intentions ne sont qu’un paravent pour faire illusion.
Derrière ces engagements, se cache une volonté délibérée de protéger le statu quo, en évitant toute remise en question structurelle.
Le refus de l’interdiction des publicités pour les produits les plus polluants montre que la filière agit pour préserver ses intérêts et non les intérêts du vivant.
En mai 2024, lors de la première édition de la cérémonie des Prix Nymphéas de la communication à impact positif, la Filière Communication a récompensé 15 campagnes à impact positif, parmi lesquelles Renault Captur et Leroy Merlin (respectivement médaille de bronze et médaille d’or de la catégorie Climat) ou L’Oréal X Right (médaille de bronze de la catégorie Diversité, inclusion et droits). Que vous inspire cette démarche qui vise à récompenser les efforts des entreprises ?
Il est important de récompenser les démarches positives, et les efforts. Mais sans rentrer dans l’analyse de ces publicités récompensées, il est pour le moins étonnant de retrouver dans un tel palmarès des marques dont l’activité n’est pas bénéfique pour la société.
La mobilité devrait être promue par d’autres standards que l’autosolisme (circuler seul dans une automobile), comme les transports en commun, le vélo, le covoiturage, etc…
De même dans la cosmétique, où les grandes marques participent à véhiculer des normes de beauté qui sont problématiques et génèrent des graves problèmes de santé mentale (troubles alimentaires, anxiété, dépression,etc.).
Bien sûr que la publicité doit influer positivement sur les représentations et les comportements, mais tout cela doit être cohérent avec le modèle économique de l’entreprise et les enjeux cruciaux de la transformation écologique.
Les campagnes “à impact positif” ne devraient pas simplement masquer la réalité de la surproduction (et malproduction), elles devraient promouvoir des alternatives à la surconsommation comme la réparation, le recyclage, ou encore le renoncement à la consommation.
Forcément, ça ne rentre pas dans le logiciel d’une entreprise dont la raison d’être est le profit.
Les notions de déontologie, d’éthique, de responsabilité… sont-elles (suffisamment) abordées dans les programmes des formations en communication et en journalisme ?
Ces notions sont de plus en plus intégrées dans l’enseignement supérieur de façon générale, et les formations en communication n’échappent pas à cette tendance. Mais leur intégration reste inégale, variant largement selon les cursus et les établissements.
Il existe par exemple des cursus spécialisés type “Marketing et communication responsable” dans lesquels les étudiantes et étudiants vont pouvoir approfondir ces concepts. Dans les formations non dédiées, lorsque ces thèmes sont abordés, cela se fait par des modules spécifiques courts.
De façon générale, ce qu’il manque bien souvent à ces formations est une approche critique sur la communication et la façon dont les futurs professionnels vont pouvoir exercer leur métier dans un environnement nécessitant des mutations profondes.
Que conseiller à un lycéen qui cherche une formation « responsable » en communication ou en journalisme ?
Premier conseil, avant même de chercher une formation qui abordera le sujet de la responsabilité : trouver une formation sérieuse. Je pense notamment à l’enseignement supérieur privé, ou toutes les écoles, tous les groupes ne se valent pas.
Quelques informations par exemple, sont essentielles : frais de scolarité, programmes, nature du diplôme, reconnaissance du diplôme par l’Etat, … Un manque de transparence doit vous alerter !
Ensuite, il est nécessaire de questionner les contenus : les notions de limites planétaires, de post-croissance, d’impacts de la communication sont-elles abordées ?
Le label DD&RS, qui atteste de l’engagement global d’un établissement à intégrer le développement durable et la responsabilité sociétale dans son fonctionnement et ses programmes est un gage de crédibilité.
Enfin, se mettre en relation avec des anciens élèves est le meilleur moyen de recueillir des avis et d’évaluer la cohérence entre le programme et les valeurs annoncées.
ENTRETIEN AVEC SANDRINE CHRISTON-PAIN (FILIÈRE COMMUNICATION)
Entretien avec Sandrine Christon-Pain, Déléguée générale de La filière communication.
Pourriez-vous présenter brièvement la Filière communication et ses missions ?
La Filière Communication est un collectif représentant tous les métiers de la communication en France, à travers leurs représentations interprofessionnelles : interprofessions des agences de publicité, des agences médias, de RP, d’événementiel, de design, de marketing digital et mobile, mais aussi les interprofessions de médias et régies de médias…
Elle compte 23 associations membres parmi lesquelles l’ARPP, l’AACC, LÉVÉNEMENT ou encore l’UDECAM.
Elle a été fondée en 2015 à l’initiative du Ministère de l’Économie et des Finances (Emmanuel Macron à l’époque) car il n’existait pas de filière au sein du vaste secteur des services.
Elle est présidée par Antoine Armand. Mercedes Erra est sa vice-présidente.
La Filière communication pèse à peu près 33 milliards de PIB, compte environ 450 000 emplois, et entend accompagner leur transformation, faire la pédagogie globale du secteur et de son utilité auprès de tous les publics.
De l’aveu même de la Filière, la publicité est « jugée banale, envahissante, inutile » pour une majorité de français. Comment expliquez-vous cette défiance et quelles peuvent être les pistes d’amélioration ?
(Question restée sans réponse)
De nombreux jeunes s’intéressent aux métiers et aux formations de la communication. Plateformes officielles mises à part (ONISEP…) la Filière propose-t-elle des informations détaillées sur les métiers et/ou les formations disponibles afin de permettre aux lycéens de construire leur parcours d’orientation ?
La Filière Communication s’est impliquée dans la Semaine des métiers de la communication, dispositif lancé par l’AACC, soutenu par l’AFDAS avec pour objectif de renforcer la connaissance des métiers de la communication, et susciter des vocations.
La première édition en mars dernier a permis de communiquer sur les formations, de sensibiliser le jeune public, et de mettre en place des contextes favorisant les recrutements grâce à différents événements déployés sur l’ensemble du territoire.
La mobilisation des acteurs de la communication « pour une société meilleure » (développer la responsabilité sociale et environnementale du secteur, défendre des principes éthiques forts…) compte parmi les 3 axes stratégiques du contrat de filière signé en 2017. La Filière propose d’ailleurs « 7 engagements pour le climat » qui s’inscrivent dans cet objectif. Quelles actions concrètes liées à ces enjeux ont pu être mises en place depuis cette date ?
En 2020 et 2021, la Filière communication a dialogué avec la convention citoyenne pour le climat, a organisé les États généraux de la communication avec les représentants des marques et des médias pour réfléchir collectivement à l’apport des métiers de la communication à la transition climatique et écologique, et aux façons de faire évoluer la relation agence-annonceur.
C’est de là que sont nés les sept engagements volontaires de le Filière Communication.
Dès juin 2022, elle a signé un contrat climat transversal auquel elle a intégré des indicateurs de suivi. Ils l’engagent sur le pilotage de l’empreinte carbone des campagnes, l’écoproduction, le renforcement de sa contribution pro bono à l’intention d’associations qui œuvrent pour l’inclusion ou le climat, ou encore sur la diffusion de formations à la communication responsable dans tout notre secteur et dans les écoles.
En mai dernier, la Filière Communication a lancé la première édition des Nymphéas, le Prix de la communication à impact positif.
C’est une initiative issue des propositions du Cercle de Giverny, qu’elle a endossée, qui a été soutenue par l’Union des marques et abritée par le Fonds de dotation de l’ARPP.
C’est le premier prix à valoriser le rôle de la communication dans la transition écologique et sociale. Il prend en compte, au-delà du vote experts, l’adhésion du grand public citoyen aux campagnes sur des thématiques environnementales ou sociétales, initiées par des marques, des entreprises (dans leur communication commerciale produit, de marque ou corporate) ainsi que des ONG.
Enfin, les Nymphéas montrent l’effet de levier de la communication dans la transition écologique et sociale de notre pays.
Certains acteurs de la Filière communication (Publicis, Havas, Omnicom…) sont régulièrement pointés du doigt pour avoir conseillé ou conçu les campagnes d’entreprises critiquées pour leur impact négatif sur l’environnement (TotalEnergies, BNP Paribas…) ou la santé (Monsanto…), voire accusés de greenwashing. Vous paraît-il souhaitable de recommander aux professionnels de la communication d’éviter toute forme de collaboration avec ces entreprises, comme l’a fait l’agence Fred & Farid ou comme le suggèrent des mouvements tels que Clean Créatives ?
Ce n’est pas son rôle.
ENTRETIEN AVEC OLIVIER SCAGLIA (OFALP)
Entretien avec Olivier Scaglia, journaliste, coprésident et cofondateur de l’Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse (Ofalp).
La création de l’Ofalp est récente (2023). La liberté de la presse est-elle aujourd’hui à ce point menacée ?
A quelques jour près, l’Observatoire des atteintes à la liberté de la presse Ofalp a effectivement un an, si l’on considère que sa naissance est intervenue au cours de l’assemblée générale fondatrice du 29 novembre 2023 qui a rassemblé une quinzaine de personnes, salle Tignous à Paris.
Mais ce même collectif de journalistes – issus de tous les horizons géographiques et professionnels – ainsi que de citoyens, travaillait régulièrement et obstinément depuis une petite année à la construction d’un outil permettant de rationaliser l’appréhension des atteintes à la liberté de la presse en France. Notez que cet outil n’existait pas.
L’impulsion de cet ambitieux travail collectif a été donnée, au lendemain de l’édition 2023 des Assises du journalisme, à Tours (37) par deux de celles qui sont aujourd’hui vice-présidentes. Un chantier pour la construction d’un observatoire régional des atteintes à la liberté de la presse avait aussi été ouvert, voici quelques années, par un groupe de journalistes très mobilisés en Bretagne.
Depuis, l’Ofalp est constitué en association type loi 1901 sur le modèle d’une gouvernance collégiale (cinq coprésidents, comprenant trois journalistes et deux citoyens/ trois femmes deux hommes) élue pour deux ans par un conseil d’administration d’une vingtaine de personnes. Elles-mêmes issues des trois collèges d’adhérents (journalistes, citoyens, personnes morales). Cette association, qui fonctionne sur la base du bénévolat pour le moment, est totalement indépendante et s’est organisée pour le rester.
Les journalistes, chacun dans nos fonctions et nos régions, tout comme un certain nombre de citoyens attachés à la défense des libertés publiques et aux principes cardinaux du fonctionnement démocratique, avons le sentiment d’attaques répétées de la liberté de la presse, d’origines et de formes diverses et de plus en plus fréquentes. Je dis bien « avons le sentiment ».
Parce que c’est très justement pour sortir de l’impression, de la sensation qu’a été créé cet observatoire. La démarche est rationnelle, c’est celle de la structuration des données. Autrement dit, recenser, qualifier, classer et rendre publiques ces attaques.
Le premier rapport de l’Ofalp devrait être publié au cours du premier trimestre 2025. En plus d’une synthèse du travail de collecte et de traitement des données que nous captons ou qui nous sont remontées, nous avons l’ambition de livrer des éléments d’analyse qui ne seraient pas seulement fournis par la profession. C’est pour conduire ce travail que nous avons lancé un financement participatif et appelons aux dons.
En attendant, répondre à votre question est périlleux dans le sens où la force de la démarche tient dans l’objectivation. Mais si nous ne voulons instruire à charge d’un point de vue du principe, nous ne le pouvons pas plus d’un point de vue technique, faute d’éléments historiques de comparaisons tenant la route.
Ceci étant dit, des tendances se dessinent à travers les premiers éléments que nous observons et/ou qui nous remontent.
Ainsi trois principaux paramètres de ces atteintes à la liberté de la presse contribueraient à dessiner une urgence :
- leur occurrence : toutes formes confondues, le phénomène ne semble pas si rare. Ce qui battrait en brèche une première idée reçue « dans un pays tel que la France ». C’est pourquoi, élaborer un indicateur bâti sur la notion de fréquence nous apparaît, par exemple, intéressant dans la perspective d’une compréhension systémique et dynamique du phénomène ;
- leur origine : il est assez troublant de constater que l’Etat et certains de ses services ne sont pas exempts. Au nom d’une doctrine de sécurité publique, pour ne prendre qu’un exemple forts ;
- leur nature : procès bâillons ou sapes dans le champ financier… Les offensives ne sont pas seulement frontales, à la manière des intimidations ou menaces.
Documenter et alerter comptent parmi les principales missions de l’Ofalp. Mais quelles solutions s’offrent aux journalistes victimes d’une atteinte à leur liberté d’exercice ?
Il faut examiner dans le détail de quoi on parle. Pour au moins deux raisons préalables.
- Exercer le métier de journaliste n’autorise pas à faire n’importe quoi. Il y a d’abord un cadre juridique qu’il me semble important de connaître, comprendre respecter et défendre. Je me permets de, par exemple, attirer l’attention des curieux sur la loi de 1881 que différents pouvoirs ont tenté de minorer – un signe ! Il y a ensuite un cadre déontologique qu’il ne me semble pas tout à fait inutile non plus de connaître et comprendre. Le respecter relève de la liberté de chacun. Même si un Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) a vu le jour en décembre 2019. Mais je crois que l’introspection sur ce sujet n’est pas un luxe (pas plus qu’une expiation) dans un contexte d’attaques multiples et de défiance envers, j’ai envie de dire, la fonction sociale de journaliste plus que le métier de journaliste.
- Deuxième raison préalable, la liberté d’exercice peut être entravée sans qu’il ne s’agisse d’une atteinte à la liberté de la presse. Je pense notamment aux conditions économiques dans lesquels nombre de confrères sont amenés, dans tous les genres de médias, à traiter – on dit « produire » aujourd’hui – de l’information. Nous sommes confrontés à un contexte économique d’autant plus dur, que l’information continue d’être considérée à la façon d’un bien marchand comme les autres, brouillant un peu plus la frontière avec le champ de la communication. Si l’Ofalp est évidemment attentif à ce théâtre, il n’a pas légitimité à répondre ici. Nous observons néanmoins que l’action collective a le plus de chance d’être entendue et de faire bouger les lignes dans la relation « public »/entreprises de presse/journalistes. Dans cet ordre d’idée, les organisations professionnelles me paraissent, à titre personnel, rester un lieu privilégié de discussion et un interlocuteur pertinent.
Les journalistes confrontés à une atteinte à la liberté de la presse sont invités à contacter l’Ofalp par la porte d’entrée la plus simple : contact@ofalp.org et partager leur sujet.
Une équipe dédiée se charge de recenser et qualifier (càd vérifier, classifier et graduer) l’atteinte en question selon un protocole précis et une grille préétablie. Le traitement de ce matériau peut nécessiter une « anonymisation » avant d’être rendu public.
L’objectif de l’Ofalp, c’est d’abord le « nommer et couvrir de honte ». La compilation des atteintes à la liberté de la presse recensées au cours d’une année civile donne naissance à un rapport, un livre blanc que l’Ofalp entend présenter à différents interlocuteurs, y compris au niveau européen. C’est pour la réalisation de ce rapport dont nous avons déjà parlé plus haut que l’association a lancé un financement participatif.
En dépit des difficultés rencontrées par une majorité de journalistes (précarisation, défiance du public…), la profession séduit encore les jeunes générations. Que conseiller à un lycéen que cette profession intéresse ?
A titre personnel, j’ai le sentiment qu’il faut d’abord sortir de la caverne. Je veux dire, démonter les mythes que le métier de journaliste véhicule.
Je pense qu’il est, ensuite, nécessaire de bien faire le distinguo entre communication et information avant de s’engager dans un métier (aux fonctions bien diverses) que de multiples forces veulent purement et simplement intégrer à une stratégie mercantile, y compris en séduisant ou flattant l’égo de ceux qui l’exercent.
Interroger collectivement – pourquoi pas dans un cours de philo ou d’histoire ? – les enjeux de l’information dans le fonctionnement d’une société donnée pourrait d’ailleurs faire gagner du temps dans les choix d’orientation. Je crois qu’il existe, par ailleurs, de nombreuses filières arts et spectacle.
Mettre à disposition une bonne info au bon moment nécessite un travail professionnel (rendre accessible induit aussi un sens critique) et qui, forcément, n’est pas gratuit. Je recommanderais donc de réfléchir aux modèles économiques dans lesquels s’inscrivent les médias auxquels on s’intéresse : qui finance et pourquoi ?
Plus directement, j’invite en général les jeunes avec qui j’échange sur le sujet à cultiver leur curiosité, à développer leur culture générale et à affuter leur sens critique par le partage de connaissances et de méthodes, et à la confrontation de leurs idées ailleurs que sur les RS.
Je les invite aussi à s’informer systématiquement, en prenant toujours un temps de recul offert par une honnête tentative de réponse à ces deux questions « Qui parle ? Quel est son intérêt à le faire? »
Photo : les membres de la gouvernance de l’Ofalp, avec de gauche à droite, Cécile Dolman, Candice Fleurance, Virgile Miletto, Lucie Berland et Olivier Scaglia
Journalisme : ce qu’il faut savoir
Si l’on exclut les récits guerriers de l’Antiquité, les sagas islandaises au Moyen-Âge et La Gazette de Théophraste Renaudot en 1631 (encore qu’elle ne fût qu’un outil d’influence au service de Richelieu et de Louis XIII), c’est à l’aube du XVIII ème siècle que le terme « journaliste » apparaît pour la première fois.
Il faudra attendre 1789 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour que le principe de la liberté d’expression soit acté, et avec lui l’essor de la presse d’opinion.
De 1798 à 1881, la liberté de la presse fluctue au gré du pouvoir en place : entre censure et libéralités.
Quelques dates clés
- 1835 : naissance de l’agence Havas (ancêtre de l’AFP), du nom de son fondateur, le banquier Charles-Louis Havas.
- La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse garantit le principe de la libre expression tout en encadrant les abus. La diffamation, l’incitation à la haine ou à la violence, les atteintes à l’ordre public… sont sanctionnées.
- 1918 : naissance du Syndicat national des journalistes (SNJ), qui oeuvre encore aujourd’hui à la défense des droits des journalistes et à lutter pour l’indépendance des médias et la liberté d’expression.
- 1935 : la loi Brachard donne une définition légale de la profession en instituant un cadre juridique protecteur. La carte de presse est créée; ce document officiel est délivré par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP).
- Durant la seconde guerre mondiale, le programme du Conseil National de la Résistance jette les bases d’une presse libre et indépendante en France, en luttant contre la concentration des médias dans les mains d’intérêts privés et en veillant à garantir le pluralisme et la qualité de l’information.
- Plusieurs chartes et déclarations, souvent remaniées ou mises à jour, encadrent l’éthique et la déontologie journalistique : Charte du SNJ (1918, 1938, 2011), Charte de Munich (1971), Résolution du Parlement Européen (1993), Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (2019)…
Chiffres clés
- 34 440 journalistes détenteurs de la carte de presse; un chiffre en baisse depuis 10 ans. La profession fait pourtant toujours autant rêver, à en croire les chiffres des candidatures aux écoles de journalisme.
- Près de 30 % des journalistes travaillent sous statut précaire (pigistes, freelances, CDD). Parmi eux, environ 70 % déclarent avoir des revenus instables et des difficultés pour accéder aux droits sociaux (chômage, retraite, etc.).
- Le revenu moyen annuel des journalistes est estimé à environ 35 000 euros brut par an.
- En 2023 le total des aides directes à la presse a représenté plus de 200 M€.
Communication : ce qu’il faut savoir
Théorie de l’information, Modèle de communication de Lasswell, Théorie de l’agenda-setting, Théorie de la dissonance cognitive, Modèle transactionnel de la communication… la plupart des théories en Sciences de la communication et de l’information ont vu le jour au XXème siècle, dans un contexte marqué par l’essor des médias de masse et les premières études sur l’influence sociale.
Deux segments composent le marché de la communication : le marché publicitaire des médias (acteur du numérique inclus) et le marché de la communication hors-média (marketing direct, annuaires, promotions, parrainages, mécénat, foires et salons et relations publiques).
Le marché global de la communication a dépassé les 34 milliards d’€ en 2023.
Régulation
Plusieurs textes législatifs encadrent le secteur de la communication et de la publicité afin de protéger les consommateurs, les entreprises et l’intérêt public. Parmi eux :
- Le code de la consommation interdit la publicité mensongère et trompeuse et autorise la publicité comparative si tant est qu’elle est loyale, objective, et vérifiable
- Le code de la santé publique : loi Évin de 1991 pour l’alcool et interdiction de la publicité sur le tabac depuis 1993.
- Sur Internet, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) vise au respect de la vie privée, à la protection des données personnelles…
Acteurs clés
- ARPP : Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité.
- ARCOM (ex CSA) : Régulateur de la communication audiovisuelle et numérique
- ACPM : Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias, tiers certificateur des médias.
- ARPP : Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité
- AACC : Association des Agences Conseil et Création
- Filière Communication
Chiffres clés
- Les recettes publicitaires des médias ont dépassé les 17,3 milliards d’€ (2023)
- Les recettes publicitaires du seul digital dépasse les 9,3 milliards d’€ (2023)
- Plus de 70 000 annonceurs tous médias confondus
- Sur les 20 dernières années, le marché de la publicité suit une croissance +2,5% par an, porté par l’essor du numérique.
- A l’horizon 2030, les 2/3 des recettes publicitaires devraient être dirigés vers les acteurs
numériques (la moitié aujourd’hui et 1/4 en 2012).
Formations en communication et en journalisme responsable : parce que vous le valez bien !
On l’a vu : la frontière entre communication et journalisme est ténue. Plusieurs écoles proposent des parcours de formation pour l’une et l’autre de ces disciplines.
Par ailleurs, de nombreuses formations abordent des champs spécifiques de la communication et du journalisme ou se sont spécialisées dans des domaines liés peu ou prou à ces deux activités (marketing, audiovisuel, développement web, cinéma d’animation, motion design…).
Nous ne les traiterons pas ici.
Formations en Lettres, en Histoire de l’art, en droit, en science politique, en économie, en santé… plus généralement, et quand bien même ils nécessiteraient une formation complémentaire, nombreux sont les parcours d’études qui peuvent conduire à exercer ensuite dans un métier de la communication ou du journalisme.
Parce qu’ils offrent l’opportunité d’utiliser un savoir et des compétences spécifiques au domaine étudié dans le cadre d’une activité de journaliste ou de communicant.
N’importe quel diplôme de l’enseignement supérieur peut se revendiquer de la formation au journalisme, même si une minorité de diplômés s’insère sur ce marché du travail. D’ailleurs, il n’est pas obligatoire sur le plan juridique de posséder un diplôme de journaliste pour devenir un professionnel de l’information : obtenir la carte de presse nécessite essentiellement d’avoir des revenus supérieurs à un seuil minimum et que la majorité de ces revenus soit considérée par la CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes) comme relevant d’une activité d’information. En définitive, le poste de travail prime sur le diplôme dans la définition du journaliste professionnel. Aussi, les savoirs journalistiques sont moins les produits d’une construction disciplinaire élaborée à l’université que ceux d’un ajustement des diplômes aux demandes des entreprises de presse.
Samuel Bouron • L’institutionnalisation paradoxale des écoles de journalisme
S’agissant du journalisme, il existe deux grands types de formation :
- Les formations publiques et privées de Bac+3 à Bac+5 reconnues par la profession (Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes) et membres de la Conférence des écoles de journalisme. Accessibles sur Parcoursup après le Bac ou sur concours à partir de Bac+3, elles sont au nombre de 14 et bénéficient de taux d’insertion professionnelle élevés (80 à 90%);
- Les autres formations (publiques et privées), une centaine en France, obtiennent des taux d’insertion moindres (60 à 70% selon les écoles) et comptent davantage de contrat « précaires » (pigistes, CDD).
En définitive, pour exercer dans le journalisme ou la communication « responsable », le choix de la formation compte au moins autant que le secteur d’activité de l’entreprise ou de l’organisation visée.
La décision incombe au jeune.
Devenir social media manager, rédacteur SEO, responsable de la communication ou reporter peut aussi bien s’envisager dans les énergies fossiles que dans les énergies renouvelables, dans un groupe du CAC 40, comme dans l’économie sociale et solidaire.
(…) les récits jouent un rôle crucial dans la désirabilité des grandes transitions en rendant les enjeux écologiques plus personnels, compréhensibles, et en présentant un futur souhaitable et atteignable. Ils sont importants pour mobiliser, inspirer, et guider l’action collective vers un avenir plus durable d’où la nécessité de mobiliser les filières de la culture et de la communication pour inclure ces récits dans leur corps de métiers.
Etude de la Banque des territoires • Impact de la transformation écologique sur les métiers et la formation
Le Centre pour L’Education aux Médias et à I’Information (CLEMI)
Fondé il y a plus de 40 ans, le CLEMI a pour vocation de donner aux élèves les moyens d’une « pratique citoyenne des médias », destinée à leur permettre d’appréhender le monde et de développer leur esprit critique.
Il comporte plusieurs volets, parmi lesquels :
- formation des enseignants (des 1er et du 2nd degré, de toute discipline) et des formateurs / éducateurs ;
- production et diffusion de ressources pédagogiques pour accompagner les actions auprès des élèves, de la maternelle au lycée ;
- actions d’éducation aux médias et à l’information à destination des familles ;
- organisation d’événements, dispositifs et concours d’éducation aux médias et à l’information.
ENTRETIEN AVEC MARC EPSTEIN (LA CHANCE)
Entretien avec Marc Epstein, Président de l’association La chance et ancien rédacteur en chef du service Monde de L’Express.
Pour quelles raisons avoir créé l’association La Chance ?
Je ne suis pas le créateur de La Chance – j’ai rejoint l’association dès 2007, quelques mois après son lancement.
A mon sens, son existence répond à trois besoins.
- D’abord, c’est une question d’équité sociale pour nos bénéficiaires ; tous sont issus de milieux modestes et beaucoup ont grandi dans des quartiers populaires ou des zones rurales isolées.
- Ensuite, cela fait du bien à la profession de journaliste : la plus grande présence de professionnels venus de milieux divers contribue à améliorer la couverture de l’actualité – cela enrichit la conversation lors des conférences de rédaction.
- Enfin, la représentativité des journalistes est une question essentielle dans une démocratie. Cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui, alors que les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle prétendent « informer » le citoyen à l’égal des journalistes et des médias.
L’association prépare les étudiants à passer les concours des 14 écoles de journalisme reconnues par la profession, bien qu’il existe des dizaines d’autres formations aux métiers du journalisme, accessibles sur concours et/ou sur dossier.
Pourquoi ce choix ?
En France, dans le journalisme comme dans d’autres secteurs, on accorde une importance démesurée aux diplômes. Au total, dans notre pays, une centaine de cursus prétendent vous former à la profession de journaliste. Parmi eux, seuls 14 sont « reconnus par la profession » : le sérieux de leur travail est validé, en quelque sorte.
Cette situation amène nombre d’employeurs à limiter leur recrutement aux seuls étudiants issus des 14 formations reconnues. On peut regretter cette organisation ou la trouver injuste, mais elle existe.
La Chance en prend acte ; attachée à la bonne insertion professionnelle de ses étudiants, elle prépare ses bénéficiaires à ces concours-là, les plus réputés.
Pour autant, de manière informelle, nous reconnaissons le sérieux de quelques formations non-reconnues.
Diminution continue du nombre de journalistes depuis une décennie, liberté de la presse et confiance dans les médias questionnées, conditions de travail parfois difficiles… Si l’engouement pour le métier de journaliste ne faiblit pas (au regard du nombre des candidatures adressées aux écoles de journalisme), préparez-vous aussi vos étudiants à ce qui les attend ?
A La Chance, année après année, environ 2 étudiants sur 3 intègrent une formation. Nous ne lâchons pas la main des étudiants restés à la porte des écoles : toute une série de dispositifs est à leur disposition.
Surtout, l’accompagnement est conçu à long terme et s’étend aux premières années de la carrière. Nous sommes actifs dans l’aide à l’insertion professionnelle et rémunérons nos ex-étudiants afin qu’ils participent s’ils le souhaitent à des actions d’éducation aux médias, en milieu scolaire et ailleurs.
Pour autant, certains choisissent de s’éloigner du journalisme : la précarité liée aux premières années d’une carrière de journaliste est particulièrement rude pour des jeunes qui ne peuvent se tourner vers leurs parents pour payer le loyer ou régler une facture.
C’est dommage et les médias feraient bien de s’interroger sur leur responsabilité à cet égard. A La Chance, nous regrettons de voir ces profils se détourner du journalisme, mais si les intéressés ont élargi leurs horizons et découvert de nouveaux centres d’intérêt, si nous avons pu leur être utile, s’ils se sentent plus légitimes et si nous avons aidé à leur donner plus de confiance, c’est formidable.
Avez-vous conservé une activité journalistique en parallèle de vos missions au sein de l’association ?
Après avoir été longtemps grand reporter, puis rédacteur en chef du service Monde de L’Express, j’ai quitté ce journal en 2020 et me consacre entièrement à La Chance, que je préside depuis près de dix ans. C’est une belle maison, riche en émotions et porteuse de sens. J’y suis très heureux.
ENTRETIEN AVEC LÉA FALCO & NICOLAS GRAVES (POUR UN RÉVEIL ÉCOLOGIQUE)
Entretien avec Léa Falco et Nicolas Graves. Léa est membre du collectif Pour un réveil écologique et Nicolas Administrateur système et co-coordinateur de l’association.
Pourriez-vous présenter brièvement le collectif Pour un réveil écologique ?
Le collectif Pour un réveil écologique s’est lancé en septembre 2019, en constant qu’il était indispensable pour les jeunes diplômés, notamment de grandes écoles, de choisir leur employeur en suivant des considérations écologiques.
Depuis, en plus d’activité annexes de communication (nous avons par exemple affiché les grands messages du GIEC partout en France en 2021 et 2022), le collectif poursuit deux objectifs :
- D’une part, participer à l’intégration transversale des enjeux écologique dans les formations initiales de tous les étudiants.
- D’autre part, aider les étudiants à choisir leur employeur, en réalisant divers travaux pour évaluer l’ambition environnementale des entreprises.
En 2020, un questionnaire a été envoyé aux établissements de l’enseignement supérieur dans le cadre du Grand Baromètre, visant à appréhender leur engagement en matière de transition écologique. Quelles grandes conclusions avez-vous tirées des réponses obtenues ?
Le Grand Baromètre de la transition écologique analyse les réponses de 39 établissements, reçues dans la première partie de 2020 : ces réponses proviennent de 7 universités, 13 écoles de commerces et 19 écoles d’ingénieurs.
Les conclusions étaient alors alarmantes : seuls 15% des établissements déclaraient vouloir former 100% de leurs étudiants aux enjeux de transition écologiques.
Les établissements analysés avaient tous débuté des démarches d’intégration de ces enjeux, mais à des niveaux très divers. Ce rapport montrait donc que si l’écologie était de plus en plus présente dans les formations, se forgeant une place dans les maquettes pédagogiques, elle était principalement traitée à part et de manière optionnelle.
D’autre part, un besoin de cohérence était à développer dans les établissements, qui ne mettaient par en lien les modifications apportées sur le plan des enseignements avec leur stratégie globale, les recherches menées en leur sein, les débouchées professionnelles pour les étudiants.
Enfin, les moyens humains et financiers alloués à la transition écologique laissaient à désirer.
Nous appelions donc à un plan national, pour embarquer tous les établissements dans la dynamique d’enseignement des enjeux environnementaux et de transformation écologique.
Ce plan a de fait été annoncé en 2023 par la Ministre de l’enseignement supérieur, qui a alors demandé aux établissements d’enseignement supérieur de former tous les étudiants à la transition écologique, à l’horizon 2027.
Néanmoins, c’est maintenant dans le déploiement de cette formation, dans son ambition, son rapport aux métiers futurs des étudiants, etc… qu’il faut porter une attention particulière.
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En 2023, vous avez interrogé 40 médias généralistes « pour évaluer le sérieux de leur prise en compte des enjeux écologiques ». Que ressort-il de cette enquête ?
Les médias qui nous ont répondu (seulement 14 sur 40) considèrent que l’un de leurs objectifs est de contribuer à l’émergence d’une société écologiquement soutenable.
Pourtant nous constatons que, pour la majorité d’entre eux, cette déclaration d’intention est difficile à appliquer à la réalité : les médias ne comptabilisent pas les articles liés à l’écologie, leur rédaction ont un fonctionnement en silo qui empêche un traitement transversal du sujet, les journalistes sont peu formés…
Certains médias étaient néanmoins, à l’heure de la sortie du rapport, plus avancés que les autres, comme L’Obs ou La Croix.
Néanmoins, la publicité et son impact induit sur la consommation est un angle mort de l’action des médias, notamment parce que leurs modèles économiques en sont très dépendants.
Enfin, sur le plan organisationnel, la réduction de des émissions de gaz à effet de serre des médias n’est pas fortement entamée, et les représentants RSE sont encore souvent absents à la table du Comex dans les organes nous ayant répondu.
Dans la plateforme Enseignement et Transition dédiée aux étudiants qui vise à « encourager les dynamiques de changement dans leurs établissements » sont listées les « Formations modèles ». N’y figure qu’une poignée d’écoles d’ingénieur. Pour quelles raisons ?
Le rapport est sorti en 2019, et n’est pas à jour des modifications des formations aujourd’hui.
A l’époque, cette avancée des écoles d’ingénieure s’expliquait principalement par une facilité auto-déclarée à traiter des problématiques techniques de la transition écologique, mais aussi par le manque de moyens en proportion des universités à traiter ces questions, et par un réveil tardif des écoles de commerce, qui rechignent à traiter les enjeux écologiques en allant à l’encontre de leur business model ou des autres enseignements proférés en leur sein.
Parcours de formation avant le Bac
Bac professionnel
En lycées professionnels, les élèves intéressés peuvent opter à partir de la seconde pro pour :
- la mention « métiers des industries graphiques et de la communication ». Elle mène aux bacs professionnels « façonnage de produits imprimés, routage » ou « réalisation de produits imprimés et plurimédia »;
- un bac pro artisanat et métiers d’art option communication visuelle plurimédia;
- un bac pro photographie peut aussi être envisagé.
Bac général ou technologique
Le choix des spécialités générales en première et en terminale ou des séries en voie technologique dépendra des aspirations de l’élève (parcours universitaire, communication ou journalisme, formation courte ou longue…).
Formations post-bac en communication ou journalisme
À NOTER
- Seules les formations délivrant des diplômes reconnus par l’état sont citées;
- Sont présentées aussi les formations, qu’elles soient sous ou hors contrat, qui octroient des titres « RNCP » attestant d’une reconnaissance professionnelle;
- Quelques exemples d’écoles et de formations en communication qui intègrent les enjeux de la transition écologique et/ou de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans leurs programmes, afin de répondre à la demande croissante de compétences en communication responsable et en développement durable.
BTS communication ou ERPC (Études de réalisation d’un projet de communication)
- Niveau de sortie : bac+2
- Une soixantaine de formations privées sous contrat disponibles (apprentissage et hors apprentissage).
- Ouvert à tous les bacheliers, inscription sur Parcoursup.
- Poursuite d’études : licence pro mention métiers de la communication, Bachelor…
DD&RS : un label développement durable pour l’enseignement supérieur
Initié en 2015, le label Développement Durable et Responsabilité Sociétale (DDRS) est attribué aux établissements de l’enseignement supérieur habilités à délivrer un diplôme de Master reconnu par l’Etat qui en font la demande et qui s’inscrivent dans les 5 axes définis :
- Stratégie et Gouvernance,
- Enseignement et Formation,
- Recherche et Innovation,
- Environnement,
- Politique sociale.
Une cinquantaine d’établissements sont aujourd’hui labellisés (écoles d’ingénieur, écoles de commerce et de management, université…).
DEUST (diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques) Infocom
- Niveau de sortie : bac+2
- Ouvert à tous les bacheliers, inscription sur Parcoursup.
- Poursuite d’études : licence pro, Bachelor…
- 7 parcours possibles (Bureautique et Communication Multimédia; Webmaster et métiers de l’internet; Systèmes d’information, numérique et électronique…)
BUT (Bachelor Universitaire de Technologie anciennement DUT)
- En IUT
- Niveau de sortie : bac+3 (diplôme national, grade de licence)
- Une quinzaine de parcours possibles : Métiers du multimédia et de l’internet, Information communication (journalisme; publicité; information numérique dans les organisations; communication des organisations…)
Exemples de formations :
• BUT Infocom parcours Journalisme de Lannion (reconnu par la CPNEJ) ou Communication des Organisations.
• IUT université côte d’azur : Information Communication, parcours Journalisme (reconnu par la CPNEJ) ou Communication des Organisations
À NOTER
À partir de septembre 2025, Clermont School of Business et l’ESJ Pro, filiale de formation au journalisme du groupe Centre France – La Montagne, ouvriront, à Clermont-Ferrand, une nouvelle spécialisation du Bachelor Digital Marketing et E-commerce Management : un Bachelor “Médias et Journalisme”, en alternance. Ce Bachelor s’adresse à tous les étudiants titulaires d’un Bac+ 2 (BTS, L2, RNCP niveau 5) qui souhaitent s’orienter vers les métiers des médias, de la création de contenu et du journalisme.
Licence et licence pro
- Niveau de sortie : bac+3
- Ouvert à tous les bacheliers, inscription sur Parcoursup.
- Poursuite d’études : master, concours des écoles de journaliste…
- Il existe plusieurs licences « infocom » avec des parcours différents et des possibilités de spécialisations en L3 selon les formations (Communication digitale et éditoriale; Data analytics et stratégie de l’information; Médias, journalisme et numérique; Organisations, Institutions et numérique…)
À NOTER
L’Institut Catholique de Toulouse propose une licence Sciences de l’information et de la communication qui intègre une dimension RSE (pas de poursuite d’études au sein de l’école.
Bachelor communication
- Niveau de sortie : bac+3 (titre RNCP)
- Ouvert à tous les bacheliers, inscription sur Parcoursup.
- Poursuite d’études : master, concours des écoles de journaliste…
- plusieurs parcours possibles : Digital; Événementiel…
À NOTER
- L’Iscpa propose un Bachelor (RNCP niveau 6) Communication Impact accessible hors Parcoursup.
- A compter de 2025, Audencia SciencesCom lancera un nouveau Bachelor en Communication (titre RNCP niveau 6), qui comprendra des cours Communication, enjeux sociétaux et environnementaux en 1ère année.
- L’Ecole Supérieure de Publicité aborde les « Enjeux de la transition écologique dans les métiers du marketing » dans son Bachelor 3 Stratégie de communication & marketing (titre RNCP de niveau 6).
- Ipac Bachelor Factory propose un Bachelor Communication & Environnement (titre RNCP de niveau 6).
- le Bachelor Act (Apprendre à Conduire les Transitions) est une formation Bac +3 (grade de licence), lancée par l’ESSEC et CY Cergy Paris Université.
Master communication ou journalisme
- Niveau de sortie : bac+5
- Ouvert aux étudiants à Bac+3
À NOTER
- L’École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM) propose un Master Communication des organisations, médias, espace public avec une option Transitions écologiques
- L’Inseec propose une majeure Management des Ressources Humaines et Organisations Durables en dernière année de son programme Grande école.
- A l’EFAP, la RSE est abordée en 3ème et 4ème année, ainsi que dans le cadre d’un MBA spécialisé Communication RSE & Développement Durable.
- Mastère (RNCP niveau 7) Communication Responsable de Narratiiv School
- Dans le cadre de son Master Stratégie digitale : Marketing et communication (alternance), l’Université Savoir Mont Blanc aborde la communication responsable dans certaines de ses spécialisations.
- L’Université Catholique de l’Ouest propose un Master Stratégie et conseil en numérique écologique et accompagnement des modes de vie
- Le parcours Marketing communication globale de l’ISCOM (bac+4) intègre les Enjeux RSE de la Communication Corporate dans son programme.
- Dans le cadre de sa formation Communication et média (titre RNCP de niveau 7), Audencia dispense des cours en Environmental communication et propose des parcours Tourisme et environnement, Politique et citoyenneté, Causes sociétales et sensibles…
- L’Iéseg propose un Master in Management for Sustainability à Lille.
- Parcours Communication responsable et RSE du Master de l’ISTC (diplôme national grade de Master)
- Les dispositifs Humacité et Climacité d’Excelia s’adressent aux étudiants de deuxième année du Bachelor Communication et Stratégies Digitales…
Les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession
La question se pose : pourquoi choisir cette filière réputée concurrentielle et difficile d’accès quand d’autres écoles (non reconnues) le permettent aussi ?
Plusieurs réponses :
- Ces écoles forment (pour la majorité d’entre elles) des journalistes professionnels et seulement des journalistes. Opter pour l’une d’elles supposent donc que le choix de ce métier soit acté, même s’il peut mener à des emplois dans la communication par la suite;
- La plupart de ces écoles ont noué des accords (parfois de façon exclusive) avec des rédactions, qui facilitent grandement l’obtention de stages, voire d’emplois futurs;
- Les cours sont dispensés par des journalistes professionnels;
- L’assurance d’obtenir un diplôme reconnu par l’Etat et par la profession;
- L’opportunité de participer aux concours et/ou d’obtenir une bourse proposés par certains médias aux étudiants de ces écoles. Avec, souvent, un emploi ou un contrat à la clé.
Les 14 écoles (en rouge les écoles qui accueillent les bacheliers)
- Celsa (durée : 2 ans / Master professionnel / admission sur concours à Bac+3)
- Centre de Formation des Journalistes (CFJ) : durée : 2 ans / titre RNCP niveau 7 et possibilité d’un Master 2 délivré avec l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne / admission sur concours à Bac+3
- Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3
- École de journalisme de Toulouse (EJT) : durée : 3 ans / diplôme de l’école / admission sur concours à Bac+2
- Ecole de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille (EJCAM) : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3
- École publique de journalisme de Tours (EPJT) : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3
- Ecole de Journalisme de Grenoble (EJDG) : durée : 2 ans / Master journalisme de l’EJDG et de l’IEP de Grenoble / admission sur concours à Bac+3
- Ecole Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille) : durée : 2 ans / Grade de Master et diplôme de Sciences Po Lille / admission sur concours à Bac+3
- Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3
- Institut Pratique du Journalisme de l’Université Paris Dauphine-PSL (IPJ Dauphine) : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3
- Institut français de presse de Paris (IFP) : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3
- Ecole de Journalisme de Cannes – IUT Nice Côte d’Azur (EJC) : durée : 3 ans / BUT Information & Communication parcours journalisme / inscription post-bac sur Parcoursup suivi d’un entretien oral
- IUT Lannion (Université de Rennes) : durée : 3 ans / BUT Information & Communication parcours journalisme / inscription post-bac sur Parcoursup suivi d’un entretien oral
- Sciences Po – Paris : durée : 2 ans / Master journalisme / admission sur concours à Bac+3.
ENTRETIEN AVEC SYLVIE CHANCELIER (AUDENCIA)
Entretien avec Sylvie Chancelier, Directrice d’Audencia SciencesCom, diplômée d’un master en linguistique de l’université de Nantes et d’un master en management International de l’université de Savoie.
Proposé aux élèves de Bachelor 3 en communication ayant suivi une préparation spécifique au cours de leur année à SciencesCom, le Double diplôme Journalisme d’Audencia SciencesCom proposé en partenariat avec le CFJ Paris permet aux élèves du Diplôme d’études supérieures en communication et media de SciencesCom de suivre les 2 cursus. Pour quelles raisons avoir créé cette formation et vers quels métiers mène-t-elle le plus souvent ?
Cette formation est née de quelques constats conjoints émanant de la direction de nos deux établissements selon laquelle il n’y a pas de diplôme bac+5 en journalisme en région nantaise, or la couverture médiatique et sa pluralité nécessite un ancrage local fort.
Par ailleurs, historiquement SciencesCom a toujours été une formation en communication qui accorde une forte place à la compréhension des médias que ce soit en termes de production, de consommation, de modèle économique.
Ajouté à cela notre fort ancrage territorial, il a rapidement fait sens de réfléchir à une collaboration.
Lorsque nous avons conçu ce double diplôme en 2021, nous avons misé sur une vraie complémentarité entre nos formations, cette coopération est assez inédite, il s’agit de métiers différents présentant néanmoins de nombreux points communs, le plus essentiel étant celui de l’information, d’un point de vue académique, on parle d’ailleurs de Sciences de l’Information et de la Communication.
Les débouchés de ce cursus sont naturellement essentiellement le journalisme, mais on peut envisager également les métiers de la relation aux medias ou de la production audiovisuelle.
Quels sont les taux de réussite des étudiants qui présentent les concours des écoles de journalisme dans le cadre de cette formation ?
Les élèves qui préparent les concours d’écoles de journalisme via la prépa intégrée à Audencia SciencesCom et terminent notre formation en spécialisation « Communication et stratégie de contenus » arrivent à devenir journalistes même pour ceux qui n’intégreraient pas le Double Diplôme.
De quelles façons les formations en communication d’Audencia SciencesCom intègrent-elles les enjeux de la transition écologique ?
La dimension TES est centrale à Audencia, la formation en Information et Communication est en totale alignement avec cette ambition.
Dans le Bachelor en Communication, le sujet est abordé sitôt le démarrage de la formation, afin de donner un cadre de compréhension aux étudiants dès le 1e semestre avec un cours dédié enjeux environnementaux et sociétaux.
La question éthique et sociétale est au cœur de nombreux autres cours, notamment an 1e année « Maîtrise de l’information » où les sujets de l’infobésité et de la désinformation sont largement abordés, le cours « Pratiques de l’IA » questionne également les impacts sociétaux, les enjeux environnementaux et éthiques des développements technologiques.
En 2e et 3e année, les élèves abordent le numérique et les réseaux sociaux, les données (cours « data and communication ») par la règlementation et l’éthique. Ces cours les invitent à se positionner avec un regard critique et un questionnement sur les impacts environnementaux, sociaux et sociétaux.
Le cours « Media and politics » aborde les enjeux sociaux et sociétaux des pratiques médiatiques dans nos sociétés.
Dans le cadre du diplôme d’études supérieures en communication et media (Bac+5), chaque majeure intègre un cours dédié aux enjeux éthiques, sociétaux et environnementaux.
Des électifs traitant de causes sociétales et environnementales sont également proposés:
- Environmental communication ;
- Humanitarian communication ;
- Féminisme et genre ;
- Cultures, corps et représentations.
De plus, tous les étudiants suivent dès la rentrée un module information responsable et ceux qui entrent en apprentissage suivent tous un module de compétences citoyennes.
Enfin, au cours de nos programmes, l’équipe pédagogique veille à ce que les cas réels soumis par des commanditaires aux étudiants, dans le cadre de projets, abordent des sujets sociétaux et environnementaux, et que les recommandations des élèves en réponse au brief intègrent ces enjeux.
Le nouveau Bachelor en communication d’Audencia SciencesCom sera accessible après la Bac à partir de 2025. Quelles sont les particularités de cette formation et pourquoi l’avoir créée ?
SciencesCom est une école ayant une proximité forte avec les réseaux professionnels en communication et media, la création de ce Bachelor en Communication vient répondre à la demande du monde professionnel qui nous indique être en recherche de profils à la fois opérationnels, orientés terrain et capables de démontrer des qualités de compréhension de leur environnement.
L’ambition de ce Bachelor est de former des jeunes qui se démarquent par leur compréhension globale et généraliste du domaine de la communication, tout en ayant eu des expériences professionnelles concrètes pendant leurs études : projets dit “micro-agences” autour de thématiques telles que l’évènementiel, la production d’un blog, l’animation des réseaux sociaux…, stages en France et à l’international, et apprentissage.
A cette dimension professionnelle, la formation apporte les dimensions internationale et culture générale indispensables dans ce secteur.
ENTRETIEN AVEC CÉDRIC PELLEN (CUEJ)
Entretien avec Cédric Pellen, Directeur du Centre universitaire d’enseignement du journalisme – Université de Strasbourg (CUEJ) et Maître de conférences en science politique.
Le CUEJ fait partie des 14 formations reconnues par la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes (CPNEJ). Quelles sont les spécificités de la formation au journalisme du CUEJ ? Autrement dit, qu’est-ce qui la distingue de ses consoeurs ?
Le Centre universitaire d’enseignement du journalisme (Cuej) porte en son nom le pari de ses fondateurs en 1958 : celui de proposer une formation professionnelle au journalisme dans le cadre d’une université publique.
Plus de six décennies et près de 3000 diplômé·es plus tard, le Cuej continue à affirmer sa spécificité dans le paysage des formations au journalisme reconnues par la profession.
Notre école se caractérise en premier lieu par son modèle pédagogique original, fondé sur l’articulation permanente d’apprentissages techniques et intellectuels.
En tant qu’école publique, aux frais d’inscription réduits, elle se distingue également par son attachement historique à la diversité de ses profils étudiants, notamment au niveau social.
Enfin, le Cuej a toujours soigné son ouverture internationale, que ce soit par l’accueil d’étudiant·es étranger·es, par l’attention particulière accordée aux questions européennes dans sa formation, ou encore par la « délocalisation » dans un pays étranger, qui vient clore la deuxième année de Master.
Les enjeux liés à la transition écologique, omniprésents dans l’actualité, ont investi aussi l’enseignement supérieur (cf. Le rapport Jouzel-Abbadie « Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur » ou les actions du collectif Pour un réveil écologique). Comment sont-ils abordés en Master Journalisme au CUEJ ?
La formation dispensée au CUEJ est reconnue pour son excellence et ses relations privilégiées avec le monde professionnel. Les dernières années, l’équipe de l’école s’est fortement investie pour améliorer et moderniser les enseignements proposés, et ainsi préparer au mieux nos étudiant·es aux importantes transformations sociétales à l’œuvre.
A la rentrée de septembre 2024, nous avons même déployé une nouvelle « offre de formation », qui porte création de nombreux cours originaux. Plusieurs d’entre eux visent spécifiquement à renforcer les connaissances de nos étudiant·es dans les domaines scientifiques et environnementaux.
A titre d’exemple, des ateliers consacrés à la compréhension et au traitement journalistique des « transformations environnementales » sont désormais organisées en Master 1, et les étudiant·es de Master 2 doivent mener des enquêtes journalistiques sur les enjeux de la transition écologique dans le cadre de leur spécialisation technique (Télévision, Radio, ou Presse écrite et multimédia).
Les sciences du langage, la sémiologie, l’ethnologie, l’anthropologie… favorisent les capacités à analyser, à contextualiser, à interpréter l’information et se révèlent utiles pour exercer la profession de journaliste. Comment ces thématiques sont-elles traitées en Master ?
Fort de son ancrage universitaire, le Cuej défend un journalisme réfléchi, qui sait puiser dans les sciences sociales et plus largement dans les travaux universitaires, des outils pour penser le monde et son actualité.
Tout au long de leurs deux années de formation, nos étudiant·es ont la chance de bénéficier d’enseignements variés, dispensés par une équipe pédagogique composée à la fois de journalistes professionnels et d’enseignants-chercheurs issus de différentes disciplines, notamment la sociologie, la science politique, l’économie, le droit et les sciences de l’information et de la communication.
La plupart de ces enseignements s’attachent d’ailleurs à combiner formation technique et intellectuelle dans le cadre de mises en situation professionnelle.
Le master en journalisme du CUEJ est accessible sur concours après un BAC+3. Les étudiants admis ont-ils suivi un parcours de formation particulier ?
Le concours du Cuej est ouvert à toutes les personnes qui peuvent justifier d’un diplôme validant un cycle de trois années d’études dans l’enseignement supérieur (Licence ou équivalent), indépendamment du type de cursus suivis.
Nous sommes convaincus que les écoles de journalisme ont un rôle à jouer dans la promotion de la diversité dans les médias, et nous souhaitons que le Cuej reste accessible à une grande diversité de profils, aussi bien au niveau social, qu’en termes d’origine disciplinaire.
Certes, on a tendance à observer une sur-représentation au sein de nos promotions d’étudiant·es ayant suivi auparavant des formations en sciences humaines et sociales (sociologie, science politique, info-comm et histoire notamment) et, dans une moindre mesure, en lettres et en langues.
Mais nous sommes également ouverts à des étudiant·es issus de cursus plus techniques ou scientifiques, et nous ne pouvons que les inciter à se présenter plus nombreux à notre concours d’entrée !
Contrairement à d’autres formations (y compris reconnues par la profession), le CUEJ ne propose ni formation post-bac en communication, ni préparation au concours de journalisme. Pour quelles raisons ? Ces partis pris ont-ils vocation à évoluer ?
Depuis 2018, le CUEJ a mis en oeuvre un programme d’initiation aux médias et au journalisme destiné aux étudiants en Licence de l’Université de Strasbourg.
Ce programme vise à permettre à de jeunes étudiants issus de différents milieux sociaux et de différentes disciplines (langues, sciences sociales, philosophie, histoire, lettres) de mieux comprendre l’organisation des médias et les conditions de production d’une information fiable.
Les enseignements sont co-animés par des enseignants-chercheurs du CUEJ et des journalistes professionnels. Ils s’organisent sur 5 semestre de formation, de la première année à la fin de la troisième année de Licence.
Les étudiant·es de Licence 3 qui sont inscrits dans le programme et souhaiteraient s’orienter vers le journalisme peuvent également bénéficier d’un accompagnement (gratuit) à la préparation aux concours des écoles reconnues.
Notre programme d’initiation aux médias et au journalisme rencontre un grand succès auprès des étudiant·es des facultés partenaires de l’université de Strasbourg, et nous envisageons de l’élargir dans les prochaines années à de nouvelles disciplines voire à d’autres universités dans la région Grand-Est.
Quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui envisage de devenir journaliste ?
J’aurai trois conseils principaux à donner à un·e lycéen·ne qui envisagerait de devenir journaliste.
- Le premier est d’être patient. Comme le Cuej, la plupart des écoles reconnues proposent des diplômes de niveau Master, qui correspondent aujourd’hui au niveau de recrutement des médias. Il faut donc savoir profiter des trois premières années dans l’enseignement supérieur pour parfaire sa culture générale et approfondir ses connaissances dans les disciplines de son choix. Au moment de notre concours d’entrée, nous cherchons à recruter des étudiant·es qui ont une « tête bien faite », et qui ont déjà su faire la preuve de leur capacité à acquérir des connaissances spécialisées (quel que soit le domaine).
- Mon deuxième conseil est bien sûr de continuer à se renseigner sur les réalités du métier de journaliste, sur sa diversité et ses évolutions. Nous apprécions toujours les candidat·es qui se sont déjà personnellement investi·es dans des projets journalistiques, que ce soit dans le cadre de stages ou de médias étudiants. Il ne faut également pas hésiter à contacter des journalistes professionnels pour échanger avec eux sur leurs parcours et leur vision du métier.
- Enfin, mon troisième conseil est de toujours croire en ses chances ! Il ne faut pas céder à l’auto-censure qui conduit chaque année de potentiel.les candidat·es à renoncer à présenter les concours des écoles reconnues, car ils se sentent moins légitimes ou moins préparés que d’autres. Au Cuej, nous sommes sensibles à la diversité des parcours et des profils de chacun !
ENTRETIEN AVEC PIERRE SAVARY (ESJ LILLE)
Entretien avec Pierre Savary, Directeur de l’École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille).
L’ESJ Lille compte parmi les 14 formations reconnues par la profession. Qu’est-ce qui la distingue de ses consoeurs ?
Deux points pédagogiques sont importants pour l’école :
- le premier est un taux d’encadrement extrêmement élevé des étudiants ; 12 journalistes professionnels travaillent au quotidien à l’école pour accompagner, de manière individualisée, des étudiants dans leur parcours professionnel ; c’est un travail d’accompagnement qui s’apparente à du compagnonnage, il est instauré de longue date à l’école et permet à chaque étudiant de bénéficier d’un suivi personnalisé de son parcours.
- Le second point est pour nous l’importance et la dimension de reportage, les étudiants sont mis très régulièrement en situation d’exercice de la profession sur différents terrains de reportage ; le positionnement géographique de Lille est idéal pour pouvoir traiter des sujets européens, politiques, mais aussi en lien avec les territoires, l’industrie, l’agriculture et la mer ainsi que les questions transfrontalières
Dans l’enseignement supérieur, des efforts sont en cours s’agissant de former les étudiants aux enjeux environnementaux. Comment l’ESJ Lille aborde-t-elle ces sujets dans le cadre de ses formations au journalisme ?
Nous avons mis en place des formations spécifiques sur cette thématique, il s’agit d’un Master « climat et médias », d’un Master « mer et média » qui permet à des étudiants désireux d’approfondir ces questions d’être diplômé de M2 spécialisés.
Nous avons également densifié les enseignements dans notre Master dit généraliste, afin que tous les étudiants de l’école soient amenés à la fois à écrire sur le sujet environnemental mais aussi à réfléchir lors de session nouvellement organisées.
Que deviennent les diplômés en journalisme à l’issue de leur formation à l’ESJ Lille ?
L’intégralité des étudiants de l’école ont le pied à l’étrier lors de l’été de la sortie de l’école tous obtiennent un contrat rémunéré. Certains travaillent dans des chaînes de télé dans les chaînes de radio pour des titres de presse écrite ou de presse numérique, certains s’installent comme pigiste à l’étranger, décident de créer eux-mêmes leurs médias.
La proximité d’un réseau des diplômés très anciens (l’école à 100 ans) très actif aide les étudiants à s’insérer.
ENTRETIEN AVEC GUILLAUME JOBIN (ESJ Paris)
Entretien avec Guillaume Jobin, Président de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris (ESJ), auteur et gérant associé de Casa Express Editions.
Pouvez-vous présenter brièvement l’ESJ Paris et ses formations ?
Formations :
- Bachelor en deux ans, avec une année préparatoire mixte communication/journalisme pour les entrées au niveau bac
- mastère tous médias, mastères généralistes et spécialisés : sports, culture, presse féminine, police/justice
- mastère spécialisés : JRI/TV, digital médias
- formation en alternance : généraliste et JRI/TV
Dans une récente tribune publiée sur le site de l’école vous écrivez : « L’ESJ Paris, après 125 ans d’existence, fait toujours partie de l’infime poignée (deux ou trois) de lieux d’enseignement du journalisme français sans aucune idéologie, sans obédience politique ou religieuse, indépendante de l’Etat, sans aucun compte à rendre aux puissances de l’argent, et enfin, étanche aux aboiements des « chiens » (ceux que F. Mitterrand désignait). » Est-ce à dire qu’en France, la grande majorité des « lieux d’enseignement du journalisme » pâtit de l’un ou l’autre des maux que vous décrivez ?
De qui dépendent les formations en journalisme ?
Je répondrai à contrario : EDJ/Nice est indépendante et familiale, ISCPA est associative, ESJ dépend de sponsors, les autres ont un lien avec l’Etat le plus souvent, l’Eglise parfois, et de plus en plus les autres, des fonds d’investissements.
Je ne sais pas s’ils en pâtissent, mais la pensée y est forcément dépendante du pouvoir qui contrôle.
Que conseilleriez-vous à un lycéen qui rêve de devenir journaliste ?
Faire d’abord un Bachelor de journaliste, puis un mastère en dehors, mais complémentaire : politique, droit, affaires internationales, etc.
Choisir des centres d’intérêt et les creuser.
Voyager.
Faire autant de stages variés que possible pour sentir ses préférences.
NDLR : depuis la publication de cet entretien, l’ESJ Paris a annoncé avoir été rachetée par des « entreprises françaises qui ont accepté de participer au renforcement de l’ESJ ». Koodenvoi (Habert Dassault finance), La Compagnie de l’Odet (groupe Bolloré), CMA Média, (Rodolphe Saadé), La Financière Agache (Bernard Arnault) et Bayard presse comptent parmi les repreneurs.
Quant à savoir si l’école pourrait pâtir de ce nouvel actionnariat, il suffira de se reporter à la réponse (prophétique ?) apportée par Guillaume Jobin à la question 2.
12 podcasts pour mieux comprendre le quotidien des métiers de la communication et du journalisme
Responsable / Directeur de la communication
Pivot de la stratégie d’une marque, d’une entreprise, d’une organisation ou d’une institution, il est chargé de la gestion de l’image, de la réputation, de la visibilité et du suivi opérationnel et financier des actions mises en place.
Je suis Directeur de la Communication
Je suis Responsable de la Communication
Responsable éditorial
Le responsable éditorial intervient sur les aspects touchant à la création de contenu : définition de la ligne éditoriale, élaboration de la stratégie de contenu, veille, coordination et suivi des équipes (rédacteurs, correcteurs, graphistes, vidéastes…)… et souvent rédaction.
Je suis Conseil éditorial & rédactrice
Attaché de presse
L’attaché de presse est l’interface entre l’entreprise ou l’organisation et les journalistes et les médias. Ses missions incluent la constitution et la gestion des contacts avec les journalistes qui peuvent servir les intérêts de ses clients, la rédaction et la diffusion de communiqués de presse, l’organisation de conférences et d’événements de presse, le suivi des retombées médias, la veille médiatique…
Je suis Attachée de presse
Community manager / Social media manager
Ils ont tous deux un rôle clé dans la gestion des réseaux sociaux et de la communauté en ligne d’une marque, d’une organisation ou d’une entreprise. Charge au community manager d’animer la communauté, de modérer les messages, de créer du contenu, de suivre les statistiques… Le Social Media Manager a quant à lui des prérogatives plus stratégiques : définir la stratégie de présence de la marque sur les réseaux sociaux, superviser la création de contenu, assurer le suivi des performances des campagnes…
Je suis Community manager
Chargé de communication
Poste polyvalent, les missions du chargé de com peuvent couvrir tous les champs de la communication d’une entreprise ou d’une organisation : communication interne et/ou externe, déploiement de la stratégie de communication, création et gestion de contenu, mise en oeuvre et analyse des performances de campagnes de communication ou d’événements, gestion des réseaux sociaux, relations presse, veille et benchmark…
Je suis Chargé de communication
Journaliste
Tel que défini dans le préambule de la Charte de Munich (1971), « Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des (10) devoirs et des (5) droits des journalistes ». Parmi ces devoirs : respecter la vérité, défendre la liberté de l’information, rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte, ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste…
Je suis Journaliste économique
Je suis Journaliste sportif
Je suis Journaliste indépendant
Je suis Journaliste Reporter d'Images (JRI)
Rédacteur
Le rédacteur produit du contenu sous des formats qui peuvent varier (enquête, tribune, podcast, infographie…) selon les activités et les attentes de l’entreprise ou de l’organisation pour laquelle il officie. Il doit être capable de comprendre les objectifs de son employeur ou de son client, faire preuve de créativité, peut être sollicité pour écrire des textes optimisés pour le web, adapter son style et ses méthodes en fonction du public visé, mener ses propres enquêtes ou entretiens, se déplacer sur le terrain si nécessaire, assurer une veille sur les thématiques dont il a la charge… Toute ressemblance avec la fonction de journaliste n’est donc pas totalement fortuite !
Je suis Rédacteur militant
Directeur de la rédaction
Définition de la ligne éditoriale, supervision des contenus, gestion et coordination de l’équipe de rédaction, planification éditoriale, veille concurrentielle et sectorielle, gestion de crise et responsabilité juridique et même production de contenu… le directeur de la rédaction est le garant de la qualité éditoriale, de la cohérence des contenus et du respect des valeurs du média dont il a la charge.
Je suis Directrice déléguée de la rédaction
Sources & Ressources
- ARCOM (Régulateur de la communication audiovisuelle et numérique)
- ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias)
- SFSIC (Société Française des Sciences de l’Information & de la Communication)
- IREP (Institut de Recherche et d’Etudes Publicitaires)
- Filière communication
- ODI (Observatoire de la Déontologie de l’Information)
- SNJ (Syndicat Nationale des Journalistes)
- CDJM (Conseil de déontologie journalistique et de médiation)
- ODM (Observatoire des multinationales)
- ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité)
- CCIJP (Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels)
- APEM (Association pour l’éducation aux médias)
- CNMJ (Conférence Nationale des Métiers du Journalisme)
- ACRIMED (Action-Critique-Médias)
- UNESCO
- BNF (Bibliothèque Nationale de France)
- Monde Diplomatique
- ConspiracyWatch (Observatoire du conspirationnisme)
- PublicSenat
- ONISEP
- Ministère de la culture
- Les Nouveaux Chiens de garde (Serge Halimi), Les chiens de garde (Paul Nizan), La société du spectacle (Guy Debord), documentaire Les médias et les illusions nécessaires (Noam Chomsky)…
Nota Bene
- Les réponses reçues dans le cadre des entretiens ont été publiées en l’état, sans ajouts ni modifications.
- CDJM, CFJ, AACC Communication responsable, Acrimed, Vakita, La relève et la peste, Politis, Foodwatch, Bloom, Basta, ICOM Université Lumière Lyon 2 et CLEMI n’ont pas répondu à nos sollicitations.
Remerciements
- Samuel Cuneo (Fondation AlphaOmega)
- Lucie Leclerc-Vasallo (British Council)
- Florence Batisse-Pichet (Agence Chemin Lisant)
- Titouan Rio (Sator)
- Vadim Yvon (Association 1CABASPOUR1ETUDIANT)
- Sophie Fay (Le Monde)
- Florent Torchut (journaliste indépendant)
- Xavier de Mazenod (Zevillage)
- Léo Lamotte (Pollinis)
- Julie Mleczko (Studyrama)
- Marie-Laure Auzias El Kadiri
- Antoine Leclaire
Il faut bien aussi que nous nous occupions du journalisme d’idées. La conception que la presse française se fait de l’information pourrait être meilleure. On veut informer vite au lieu d’informer bien. La vérité n’y gagne pas. On ne peut donc raisonnablement regretter que les articles de fond prennent à l’information un peu de la place qu’elle occupe si mal.
Albert Camus • Le journalisme critique • Combat • Septembre 1944 • Source BNF