Accueil > Le Mag > Pour faire médecine mieux vaut ne pas tomber malade !

Supprimée en 2019, la PACES (Première Année Commune aux Études de Santé) a cédé la place aux filières PASS (parcours spécifique accès santé) et L.AS (licence accès santé) dès 2020. Avant que le Conseil d’Etat ne suspende, un an plus tard, le décret fixant les modalités de sélection des étudiants admis en deuxième année.

Fin décembre 2023, la plus haute juridiction administrative a exigé du gouvernement qu’il revoit partiellement sa copie dans les mois à venir.

D’un côté, les réformes se succèdent (« fin » du numerus clausus remplacé par le numerus apertus, création des ECOS -examens cliniques objectifs et structurés-, ajout d’une quatrième année pour les internes en médecine générale…), de l’autre, le contexte ne prête qu’à un rictus circonspect pavé de déserts médicaux, de fermetures de lits, de démissions en cascade…

Nul doute que pour s’engager dans les études de médecine, il faille une volonté de fer, des capacités de travail herculéennes et une motivation à toute épreuve.

Oui, Monsieur, vous êtes malade, n’ayons point de querelle là-dessus. Oui, vous êtes fort malade, j’en demeure d’accord, et plus malade que vous ne pensez ; voilà qui est fait. Mais votre fille doit épouser un mari pour elle ; et, n’étant point malade, il n’est pas nécessaire de lui donner un médecin.
Le malade imaginaire • Jean-Baptiste Posquelin dit Molière

Comment faire des études de médecine aujourd’hui ?

Effectives depuis 2020, PASS et L.AS constituent les deux voies d’accès aux études de santé MMOPK (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie, kiné), et comportent 3 cycles.

Cycle 1 pour accéder au Diplôme de Formation Générale en Sciences Médicales (DFGSM)

PASS et L.as sont accessible via Parcoursup.

Le PASS ne dure qu’un an et comporte une majeure santé et une mineure « hors santé » (économie, gestion, droit, SVT…). En L.AS, c’est l’inverse : il convient de sélectionner sa majeure parmi les filières proposées par l’université, en complément de la mineure santé.

devenir médecin

Cycle 2 de l’externat pour obtenir le Diplôme de Formation Approfondie en Sciences Médicales (DFASM)

L’obtention du Certificat de Compétences Cliniques et la validation des partiels conditionnent l’obtention du DFASM3.

Pour accéder au 3ème cycle, les étudiants devront passer :

  • les Épreuves Dématérialisées Nationales (EDN),
  • et les Examens Cliniques Objectifs et Structurés (ECOS).

Ces examens s’inscrivent dans la version réformée des Épreuves Classantes Nationales informatisées (l’ECNi) qui détermineront la spécialité et l’université d’affectation.

Cycle 3 de l’internat qui débouche sur le Diplôme d’Études Spécialisées (DES) et le Diplôme d’État de docteur en médecine.

Il dure entre 3 et 6 ans selon la spécialité choisie et s’articule en 3 phases : socle, approfondissement et consolidation.

Une décennie passée à engranger des milliers de pages et de fiches médicales, à maîtriser la fibrillation atriale, la polyarthrite rhumatoïde ou les complications associées à une lithiase biliaire…

Ces longues études sont-elles le pré-requis d’une activité professionnelle passionnante qui tiendra ses promesses d’épanouissement ? Pas sûr !

Devenir médecin, un sacerdoce ?

230 000 médecins exercent aujourd’hui en France toutes spécialités confondues. Soit environ 34 médecins en activité pour… 10 000 habitants, avec les fortes disparités que l’on connaît selon les spécialités et les régions.

Rien d’étonnant à ce que les temps d’attente pour un rendez-vous chez un dermatologue, un chirurgien-dentiste ou un cardiologue s’allongent.

Selon une étude de la Drees, 1 rendez-vous sur 2 requiert un délai 52 jours chez un ophtalmologiste (112 jours dans un quart des cas).

Un souci que le Pacte territoire-santé tente de compenser depuis 2012. Notamment avec des carottes financières pour les étudiants acceptant de s’installer dans des zones démunies, le déploiement accru des Maisons de santé, le développement de la « télémédecine »…

La réforme des études de santé mise en place en 2019 et la fin du numerus clausus avaient en partie pour vocation de combler les déserts médicaux en permettant une plus grande diversité géographique.

Les chiffres n’ont aucun respect pour les réformes. L’Atlas de démographie médicale dénombrait 121 médecins généralistes pour 100 000 habitants en janvier 2022. Ils étaient 141 en 2010. Et la diminution pourrait se poursuivre dans les dix années à venir, en raison des départs à la retraite qui se profilent.

Le numerus clausus

Initié au tout début des années 70, le numerus clausus avait à l’origine pour double objectifs de préserver les médecins du désoeuvrement (et donc préserver aussi leur rémunération) et de limiter les dépenses de santé (en restreignant l’offre).

Au cours des décennies suivantes, cette « sélection » en amont des étudiants en médecine a évolué au gré des politiques menées tel le tracé « sinusal » d’un électrocardiogramme.

Tantôt favorable à une augmentation, tantôt hostile… Une bataille de chiffres qui s’apparente à des comptes d’apothicaire, que décrit le docteur Daniel Wallach dans un ouvrage critique publié en 2011 (« Numerus clausus, pourquoi la France va manquer de médecins ») et qu’un autre médecin commente vertement sur son blog.

Les futurs étudiants en médecine ont-ils pris véritablement la mesure des obstacles qui les attendent ?

Car outre des capacités d’accueil restreintes et donc des conditions de travail contestables, un taux d’échec encore supérieur à 75% en fin de première année et un investissement personnel qui relève d’une préparation olympique, la suite des études de médecine n’est pas nécessairement une sinécure.

Anemf

Près de 65% des étudiants en médecine ne recommandent pas leurs propres études, concluait l’ANEMF (Association Nationale des Etudiants en Médecine de France) dans leur dernière enquête sur la précarité.

Ils seraient plus d’un sur deux à « restreindre leur accès à des loisirs (culture, sport…) pour des raisons financières et plus de 25% à renoncer aux produits d’hygiène primaire. Un comble pour ces futurs praticiens en santé.

« Mal être » reste le maître-mot d’une partie importante de cette population.

Exploitation, violence verbale en stage, harcèlement et pression, au détriment de la formation

Dans une autre enquête de 2012, l’association notait que « la plupart des étudiants voient leur externat comme une forme d’exploitation, ce dernier les contraignant à réaliser de nombreuses tâches ingrates, confiées la plupart du temps par leur chef de service, sans aucun apport pédagogique ».

Quand on leur demande s’ils ont « l’impression d’être exploité en stage », les étudiants en 3e année du Diplôme de Formation Approfondie en Sciences Médicales (DFASM3) répondent « oui » à près de 70%.

Et dans la même enquête la qualité de la formation des stagiaires ne paraît pas davantage avérée; ils sont moins de 3% à estimer « être suffisamment bien formé pour devenir un bon interne ».

Les enseignements en stage restent pauvres, et le ressenti global en est un manque de formation, tels qu’en attestent les quelques 59% d’étudiants ne se sentant pas suffisamment formés en stage.

« La priorité n’est actuellement pas à l’harmonie entre une formation de qualité et un épanouissement personnel des étudiants ». Le moins que l’on puisse dire c’est que l’association manie l’euphémisme avec entrain.

détresse étudiant médecine

ENTRETIEN AVEC L’ANEMF

Coline TRAYSSAC, vice-présidente chargée de l’enseignement supérieur au sein de l’Association Nationale des Etudiants en Médecine de France a bien voulu répondre aux questions de Tonavenir.

Vice-Présidente ANEMF chargée de l'Enseignement Supérieur

Quel bilan faites-vous de la réforme des études en santé ayant conduit à la création des filières PASS et L.as en remplacement de la PACES ?

Les objectifs ambitieux initialement portés par la réforme et que nous soutenions sont encore loin d’être atteints.

Si nous les reprenons 1 par 1 :

Faire de la 1ère année une année de formation et pas uniquement de sélection

La réforme visait à rompre avec l’apprentissage rigide de la PACES, en laissant moins de place à l’apprentissage “par cœur qui faisait la réputation de l’accès aux études de santé auparavant. Actuellement, on remarque que ce mode d’apprentissage occupe toujours une place très importante. En effet, dans de nombreuses UFR, les programmes n’ont pas été retravaillés suffisamment pour permettre un changement à ce niveau-là.

Diversifier les modalités d’évaluation était un autre grand objectif de la REES. L’introduction des épreuves orales a permis une évolution de ce côté-là. Pour ce qui est des épreuves écrites, les QCM sont encore très majoritairement utilisés, laissant peu de place aux nouvelles docimologies.

De plus, le recours aux enseignements dématérialisés, bien que pratique, n’apporte pas toujours une réelle plus-value pédagogique, souvent privilégié pour sa commodité. Il est primordial de recentrer les pratiques pédagogiques sur l’étudiant afin que cette année de sélection devienne réellement une année de formation.

Diversifier le profil des étudiants recrutés dans les formations de MMOP

Sur le plan académique

Il a été démontré que la diversification des profils académiques des étudiants ne s’effectue pas au bout d’une seule année de formation. Cependant, il n’est pas envisageable de permettre l’accès santé au bout de 3 années pour que la filière hors santé suivie ait réellement un impact sur le profil académique de l’étudiant. Cela rallongerait la durée des études et ce n’est pas concevable.

Permettre à un étudiant admis dans la filière de santé de son choix de poursuivre quelques enseignements hors santé afin qu’il puisse élargir son champ de connaissances/compétences serait intéressant cependant. Admettons qu’un étudiant souhaite s’orienter vers la médecine du sport, il pourrait être pertinent qu’il puisse poursuivre une licence STAPS s’il le désire en parallèle de son cursus de médecine.

Dans cette situation, la discipline hors santé suivie a un réel intérêt dans le projet professionnel de l’étudiant. C’est dans cette direction qu’il faut aller.

Un autre moyen efficace pour diversifier les profils consiste en la valorisation des parcours antérieurs et cela passe par une augmentation du nombre d’étudiants issus de passerelles.

Sur le plan géographique

Alors que le système de la PACES reposait sur une concentration de l’offre de formation dans les villes dotées d’une faculté de santé, le principe de la LAS permet à des étudiants de suivre une année d’accès santé dans une université proche de chez eux, sans que celle-ci ne comprenne nécessairement une unité de formation spécifique en santé.

Cette répartition territoriale de l’offre de formation participe ainsi à la diversification des profils géographique des étudiants et favorise, à terme, une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire.

Les progrès faits à ce niveau doivent être poursuivis et il faut absolument veiller à ce que ces sites délocalisés ne souffrent pas d’un manque de considération par rapport à ceux des “grandes” villes.

Sur le plan socio-économique

54% des étudiants et étudiantes en deuxième année MMOP viennent d’un milieu social très favorisé, 20% de plus que pour les autres formations de l’enseignement supérieur. Ces chiffres mettent ainsi en lumière que les inégalités socio-professionnelles restent un facteur déterminant dans l’entrée dans les études supérieures et d’autant plus dans les études de santé.

Favoriser leur réussite, qu’ils soient admis ou non dans les études de santé.

Une hausse de la réussite dès la première chance est observée depuis la mise en place de la réforme. Cela diminue donc en partie le gâchis humain qui pouvait exister avec la PACES.

Aujourd’hui, on constate que de grosses disparités de niveau existent en 2ème année de médecine entre les étudiants venant de PASS et ceux issus de LAS, 89% des universités constatent des différences de niveau plus exactement.

Pour ce qui est de la poursuite d’étude dans les filières hors santé, nous n’avons pas vraiment de chiffres sur les difficultés potentielles des étudiants ayant tenté l’accès santé auparavant. Étant donné que la première génération d’étudiants ayant été confrontée à la réforme est actuellement en 4ème année post-bac, il serait intéressant de regarder si des différences ont été remarquées lors du choix des masters entre les étudiants issus de licence classique et ceux issus de PASS/LAS n’ayant pu intégrer les études de santé.

L’élément principal devant être pris en compte est le suivant : peu importe la voie d’accès choisie par l’étudiant, il est primordial que cette dernière n’entache pas ses chances de réussite pour la poursuite de son parcours académique.

Enfin, dans l’objectif de répondre à ces nouveaux profils étudiants nés de la dualité des enseignements suivis pendant 1, 2 voire 3 années, de nouveaux débouchés doivent voir le jour. Il faut que ce système de “double licence”, si nous pouvons employer ce terme, serve réellement à l’étudiant. Il faut voir plus loin que la simple réorientation en cas d’échec d’entrée dans les études de santé.

Décloisonner les filières de santé et permettre des temps de formation en commun.

La suppression de la PACES ne doit pas nous faire oublier le travail en interprofessionnalité. Il faut poursuivre l’investissement effectué pour la coopération interprofessionnelle.

Il est cependant évident que regrouper des étudiants dans un même amphithéâtre est loin d’être suffisant. L’enseignement dématérialisé est un frein supplémentaire à cet apprentissage. Il est donc nécessaire de trouver des modalités pédagogiques qui nous permettent de mieux se connaître et surtout d’apprendre à travailler ensemble.

Le module découverte des métiers obligatoire pour tous les étudiants en PASS et en LAS a initialement pour but de permettre aux étudiants de découvrir l’ensemble des métiers de la santé et ainsi de comprendre les enjeux d’une coopération pluridisciplinaire.

Il faut que les universités travaillent sur ce module pour qu’il puisse enfin remplir son rôle. Apprendre à travailler ensemble est un travail à mener sur le long terme et pas uniquement en PASS/LAS.

Développer les initiatives en interprofessionnalité sur l’ensemble du cursus de formation est indispensable pour atteindre cet objectif (service sanitaire des étudiants en santé par exemple).

Améliorer la qualité de vie et le bien-être des étudiants en santé.

Réputé pour être difficile, l’accès aux études de santé mettait chaque année des étudiants en danger. La suppression du concours en faveur d’un examen classant semblait être la solution pour améliorer la santé mentale et le bien-être des étudiants.

Le PASS et la LAS restent cependant des années difficiles et très sélectives où la pression liée à cette sélection reste très importante.

De plus, d’année en année, les étudiants en santé sont confrontés à une fragilité économique croissante comme le montrent les dossiers annuels “coût de la rentrée”.

L’omniprésence des organismes de préparation privés accentuent cette fragilité économique, impactant directement le bien-être de certains étudiants.

Le manque de coordination entre les différents UFR, qui fait parfois défaut, est une source de stress importante. Les étudiants, en LAS majoritairement, se retrouvent à devoir passer d’un campus à l’autre. Leurs emplois du temps ne prenant pas toujours en compte les particularités de leur parcours de formation compliquent ces déplacements fréquents et indispensables.

Enfin, les cellules d’écoute, obligatoires dans tous les établissements, sont trop souvent absentes, laissant les étudiants en difficulté seuls face à leur situation.

Cette réforme de l’entrée dans les études de santé initialement prévue pour être une réforme de l’ensemble du premier cycle a perdu en ambition au fil du temps. Nous nous retrouvons aujourd’hui face à un manque de cohérence évident dans son application qui met de nombreux étudiants en grande difficulté chaque année.

Bien que toujours en accord avec les valeurs d’origine de la réforme, les étudiants en médecine attendent une évolution du système qui tendrait à réellement répondre à ses ambitions. Enfin, nous devons nous concentrer à nouveau sur une réflexion autour du 1er cycle des études de médecine dans son ensemble. Il en va de la cohérence du parcours de l’étudiant.

L’ANEMF restera proactive dans les travaux d’ajustement et d’amélioration afin que la réforme soit davantage conforme à nos attentes.

Malgré sa « suppression », le numerus clausus reste dans les faits tributaire des capacités d’accueil et des moyens dont disposent les universités. Fallait-il pour autant le conserver ?

Le Numerus Clausus comme le Numerus Apertus aujourd’hui reste, comme vous l’avez bien dit, tributaire des capacités d’accueil des universités.

Le Numerus Clausus était fixé chaque année par les ministères et définissait le nombre de médecins à former sur l’année en cours. Aujourd’hui, le Numerus Apertus définit, pour chaque université, les objectifs de formation des professionnels de santé sur les 5 ans à venir.

Nous avons donc une vision à plus long terme des objectifs de formation. En plus de prendre en compte les capacités d’accueil des universités, le Numerus Apertus est fixé en prenant en considération les besoins en santé des territoires, paramètre davantage pris en compte qu’auparavant.

La suppression du Numerus Clausus a permis une augmentation de 15% du nombre de médecins formés depuis 2020, soit depuis la mise en place de la réforme d’entrée dans les études de santé.

Bien que nous, étudiants, soyons en faveur de l’augmentation du nombre d’étudiants formés, il est impensable qu’une augmentation de 15% se fasse au détriment d’une formation de qualité.

Encore aujourd’hui, nous pensons souvent, et à tort, que les capacités de formation sont limitées par le nombre de places en amphithéâtre dans les facultés. Le vrai problème, ce sont les capacités d’accueil en stage. Les terrains de stage sont saturés. Les étudiants se retrouvent donc parfois obligés de se répartir les journées de stage. Dans ces conditions, la formation des jeunes médecins est détériorée, et ce n’est pas acceptable.

Vous l’aurez donc compris, la réponse à la pénurie de médecins ne se limite pas à la suppression du Numerus Clausus. Il est primordial d’investir dans la formation pour que cette dernière soit réellement de qualité et qu’à l’avenir on puisse mieux répondre aux attentes du système de santé.

Suite à une décision récente du Conseil d’Etat, le ministère de l’enseignement supérieur devra prochainement modifier les modalités d’accès en seconde année des études de médecine. Quelles seraient selon vous les mesures à privilégier ?

Nous partageons certaines des revendications du collectif :

  • Les connaissances et compétences évaluées pour le second groupe d’épreuves (= épreuves
    orales) ne sont pas assez définies de manière suffisamment précise, ce qui gêne à la
    compréhension des épreuves et leur préparation.
  • L’absence de préparation adéquate pour le second groupe d’épreuves.
  • Il n’y a pas de poids défini entre le premier et le second groupe d’épreuves.
  • L’anonymat des candidats n’est pas garanti pour toutes les épreuves.
  • La mise en place des règles varie d’une université à l’autre, entraînant ainsi des inégalités
    nationales importantes et un manque de lisibilité de la réforme.

Ainsi, nous attendons beaucoup de cette modification des textes. Pour nous il est important qu’un cadre national soit instauré autour de ces épreuves afin de pallier le manque de lisibilité et garantir une évaluation équitable de chaque candidat quel que soit son parcours.

Violences sexistes ou sexuelles, risques psycho-sociaux, précarité financière, conditions de travail en stage… plusieurs enquêtes (dont la vôtre sur la Précarité) ont révélé les difficultés rencontrées par les étudiants et mis en exergue la nécessité d’agir. Sur ces sujets hétérogènes, quelles solutions pourraient être rapidement mises en place ?

Violences sexistes ou sexuelles (VSS)

Afin de lutter efficacement contre les VSS dans les milieux universitaires et hospitaliers, une approche intégrée et proactive est essentielle. Il est alarmant de constater que plus de 50% des VSS sont perpétrées par des supérieurs hiérarchiques aux étudiants.

Diminuer l’incidence de ces violences passe par la sensibilisation et la formation du personnel universitaire et hospitalier. Cela permettrait de les conscientiser davantage sur les comportements et propos inappropriés ainsi que sur la banalisation des VSS.

Sensibiliser tous les professionnels en contact direct avec les étudiants est donc indispensable.

Outre la sensibilisation, il est important de former l’ensemble des acteurs de la vie universitaire et hospitalière aux procédures de signalement. En complément de ces formations, il faut communiquer et clarifier les différentes procédures qui existent auprès des étudiants (ordinale, disciplinaire et pénale) pour que chacun d’entre eux ait conscience de ses droits et des leviers d’action à sa disposition.

De plus, la nomination de référents VSS au sein des services de scolarité et des terrains de stage, clairement identifiés et identifiables, ainsi que la mise en avant de procédures de signalement dédiées lors des stages, sont des mesures importantes.

Les craintes des étudiants concernant le non-respect de l’anonymat et de la confidentialité doivent être prises au sérieux, d’où l’importance d’appliquer une politique de tolérance zéro avec des sanctions et des mesures fermes.

En parallèle, il est nécessaire d’accompagner les associations et les élus pour qu’ils soient formés sur ces sujets et contribuent à rendre leurs événements plus sécurisés.

Risques psycho-sociaux (RPS)

Trouver des solutions concrètes, rapides et efficaces quand on parle des risques psychosociaux, c’est souvent malheureusement impossible.

Pour autant, on peut continuer de renforcer la formation et la sensibilisation, favoriser la libération de la parole en mettant en place des cellules d’écoute dans lesquelles les étudiants peuvent se rapprocher de professionnels de la santé mentale notamment.

Avec les RPS, je dirais qu’il faut valoriser et déstigmatiser les étudiants en priorité.

Précarité

Le statut d’étudiant hospitalier diffère de celui des autres étudiants en second cycle de l’enseignement supérieur, notamment sur la question des stages.

Depuis de nombreuses années, nous portons une proposition d’amélioration de notre statut afin que les externes (étudiants en médecine de la 4ème à la 6ème année) puissent bénéficier d’un alignement de leur rémunération à celle des autres étudiants stagiaires de second cycle de l’enseignement supérieur, soit un passage de 2,21€/h à 4,35€/h.

Les étudiants hospitaliers doivent également participer à la permanence des soins de l’hôpital en effectuant des gardes. Ces gardes sont indemnisés à hauteur de 55€ brut la nuit, un complément de revenus jugé indispensable pour de nombreux étudiants.

Une revalorisation de l’indemnité de gardes, comme cela a été fait pour les personnels médicaux et les étudiants de 3ème cycle, est donc nécessaire pour lutter contre la précarité des étudiants hospitaliers.

Enfin, de plus petites mesures pourraient rendre le quotidien des étudiants en médecine plus léger. Nous pensons ici à la revalorisation de l’Indemnité Forfaitaire d’Hébergement (IFH) et à l’indexation de l’Indemnité Forfaitaire de Transport (IFT) sur les grilles de la fonction publique.

Conditions de travail en stage

Comme tout stagiaire, les étudiants hospitaliers ont des droits qui doivent être respectés par les terrains d’accueil.

Cela concerne l’accès à la restauration, le droit d’être représenté au sein de l’hôpital, ou encore le respect du cadre spécifique des gardes (repos de sécurité, respect des horaires, accès à une chambre de garde..).

Malgré le cadre légal, on constate que ces droits ne sont pas toujours respectés

L’année supplémentaire imposée aux étudiants en médecine générale vous paraît-elle une bonne mesure ?

En ce qui concerne la question du rallongement du DES de médecine générale, nous exprimons notre opposition pour plusieurs raisons :

  • Un manque crucial de MSU (Maîtres de Stage Universitaires) pour accueillir les internes supplémentaires. Ce déficit mettrait en péril la qualité de la formation dispensée.
  • Une pénurie déjà existante d’enseignants, avec moins de 50% des cours dispensés dans certaines subdivisions. Un rallongement du DES aggraverait cette situation et compromettrait également la qualité de l’enseignement.
  • Un véritable doute des étudiants quant à l’utilité pédagogique de cette année supplémentaire. Nombre d’internes estiment que la formation en trois ans est adéquate et que cette extension n’est pas indispensable.
  • Un rallongement prématuré de la durée du DES va entraîner une sortie tardive des textes officiels, suscitant ainsi une angoisse supplémentaire chez les étudiants.
  • Ajouter une année de formation se traduira par une année sans « nouveaux » médecins généralistes, une année sans nouvelle installation qui pose des problèmes d’accès aux soins.

Malgré notre opposition à ce rallongement, nous nous engageons activement dans le travail de la mission chargée de redéfinir le DES de médecine générale. Notre objectif est d’obtenir un cadre attractif et avantageux pour les étudiants, afin de préserver la qualité de la formation et de répondre aux besoins du système de santé.