Après la PACES et le numerus clausus, c’est un autre symbole des études de médecine qui exhale un dernier soupir. Les Épreuves Classantes Nationales (ECN), qui permettent le passage du 2e au 3e cycle de cette formation, vont être remodelées.
Initialement programmée pour la rentrée 2019, cette réorganisation devrait prendre effet l’année prochaine pour les étudiants de 4e année qui entament leur externat.
À LIRE SUR LE MÊME SUJET : Réforme des études de santé (1) : au revoir PACES, numerus clausus…
Les Épreuves Classantes Nationales disparaissent
Chaque année, ils et elles sont entre 7 et 10 000 à passer les Épreuves Classantes Nationales dans l’un des quelques 30 centres répartis sur tout le territoire. Organisées depuis douze ans par le Centre National de Gestion (CNG), établissement sous tutelle du Ministère de la Santé, les ECN constituent, avec la défunte PACES, l’ultime sanction du long et studieux parcours des carabins.
À croire que du début à la fin des études de santé, l’apprentissage de la médecine ne puisse s’envisager que dans la douleur du bachotage, des concours et des classements.
Ouvertes annuellement, les épreuves classantes nationales en médecine, anonymes, donnent accès au troisième cycle des études médicales et permettent aux candidats (étudiants, internes et auditeurs en médecine) de participer à la procédure nationale de choix d’une discipline médicale et d’un centre hospitalier universitaire de rattachement, en fonction du rang de classement qu’ils ont obtenu.
Centre National de Gestion
En fonction de leurs résultats aux ECN informatisées, les étudiants peuvent choisir, dans l’ordre de leur rang et parmi une quarantaine de spécialités et autant d’Unités de Formation et de Recherche (UFR), celles et ceux qui demeurent disponibles.
L’ophtalmologie, la chirurgie plastique et la dermatologie sont le plus souvent largement plébiscitées par les futurs internes.
Tandis qu’en bas de classement, la médecine du travail, la biologie médicale ou même la médecine générale trépassent inexorablement, au point de rester avec des postes à pourvoir.
Coïncidence ou pas, les spécialités les plus demandées sont aussi les plus rentables dans le cadre d’une activité libérale. Le quasi sacerdoce que représente une décennie d’études de santé mérite bien quelques compensations financières. Et ces velléités d’enrichissement ne sont pas incompatibles avec le devoir de dévouement de la profession.
Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine.
Article 3 du code de déontologie du Conseil National de l’Ordre des médecins (article R.4127-3 du code de la santé publique)
Depuis avril 2017 et l’introduction des Diplômes d’Études Spécialisées (DES), les spécialités de médecine du troisième cycle sont réparties en 3 filières :
- Diplômes d’études spécialisées de la discipline chirurgicale (chirurgie pédiatrique, chirurgie plastique, chirurgie vasculaire, gynécologie obstétrique, ophtalmologie…
- Diplômes d’études spécialisées de la discipline médicale (dermatologie, génétique, gériatrie, gynécologie, médecine d’urgence, médecine générale, neurologie, pédiatrie, pneumologie, psychiatrie, radiologie…
- Diplôme d’études spécialisées de la discipline biologique (biologie médicale).
Auxquelles s’ajoutent des options spécifiques à chaque filière.
Par ailleurs, les études de médecine du 3e cycle sont scindées en 3 étapes successives : Phase de socle en 1 an (fondements de la spécialité), Phase d’approfondissement en 2 ans (étude des différents champs de la spécialité) et Phase de consolidation ou de perfectionnement en 1 an. Chacune de ces phases est l’objet d’une évaluation personnalisée.
ECN nouvelle version : une évaluation en deux temps et trois notes
Cette réforme des ECN concernera les étudiants qui entament leur second cycle de médecine en septembre 2020.
ÉTAPE 1 : pour valider le passage au 3e cycle des études de médecine, il conviendra d’une part de valider son année de fin du second cycle (note minimale fixée par l’université) et d’autre part de passer deux types d’épreuves :
- une épreuve écrite d’évaluation des connaissances, assez comparable à celle qui existait jusqu’alors; elle devrait comporter 3 blocs de questions visant à valider les acquis fondamentaux des étudiants, indispensables à l’exercice de la médecine;
- une épreuve orale d’évaluation des compétences, qui se déroulera dans le cadre des ECOSAjouter un texte d'infobulle. Ces épreuves de mise en situation sont déjà utilisées au Canada et en Suisse depuis deux décennies et testées dans quelques rares universités françaises (Rouen, Toulouse, Nancy…). Elles permettront d’appréhender la posture et les compétences professionnelles des étudiants (examen clinique, diagnostic, prise en charge…) dans le contexte d’une consultation simulée. Les premiers ECOS devraient être mis en place en 2023.
Les résultats obtenus lors de l’étape 1 seront savamment distillés dans un algorithme comparable à celui de Parcoursup.
ÉTAPE 2 : des éléments du parcours universitaire de l’étudiant seront ajoutés aux résultats de l’étape 1. L’objectif vise donc à prendre en compte non seulement les notes, mais aussi les stages, les expériences personnelles et professionnelles diversifiées de l’étudiant, qui permettront d’étayer un choix de spécialité et un lieu de formation pour l’internat (CHU).
(Part des ECOS dans la note finale ?)… Sans doute entre 30 et 40% pour les ECOS, entre 40 et 50% pour les évaluations écrites des connaissances (QCM, DCS) et 10% pour l’évaluation du projet professionnel de l’étudiant, sur la base du portfolio.
Anatole Le Guillou (ancien Vice-président de l’ANEMF) – Remede.org (mars 2019)
Ainsi, une expérience dans un hôpital de brousse Togolais devrait être pondérée positivement pour un choix de spécialité Maladies Infectieuses et tropicales. Et le processus devrait permettre d’éviter qu’un étudiant révélant une aversion pour la vue du sang ne se retrouve en chirurgie vasculaire !
Réforme des Épreuves Classantes Nationales : la panacée ?
Ces facteurs « qualitatifs » qui incluent l’historique personnel de l’étudiant s’inscrivent dans la volonté de construire un parcours d’orientation progressif, pérenne et concordant avec les souhaits de l’étudiant. Et de rompre avec le système de bachotage intensif qui régnait jusqu’alors et se faisait souvent au détriment d’une pratique médicale plus poussée.
Reste qu’en définitive, la « machine » aura le dernier mot pour déterminer ce qu’il convient toujours d’appeler un « classement » au regard des 3 notes obtenues.
De quelle façon cet algorithme fera-t-il coïncider notes obtenues, parcours suivi et spécialités ? Suffira-t-il par exemple d’avoir des expériences probantes et répétées au contact des psoriasis et autres maladies de peau pour devenir dermatologue ou bien les notes primeront-elles encore ?
Si beaucoup se félicitent de cette réforme, certains se montrent attachés à une sélection républicaine des candidats, fondée sur l’anonymat, la méritocratie et l’excellence. C’est le cas du SNPHAREAjouter un texte d'infobulle…
Le SNPHARE s’étonne de cette décision hâtive alors que la mise en place des ECN informatisées (ECNi), qui sanctionne la partie théorique du 2e cycle des études médicales, ne date que de 2016. Ce passage aux ECNi a nécessité un gros investissement pédagogique (matériel et humain) dans l’ensemble des UFR de médecine (…)
Cette interruption prématurée des ECNi sonne comme un retour du mandarinat. Il a fallu des années pour que l’oral soit supprimé du concours de l’internat (1968) et qu’il n’y ait qu’une seule modalité d’accès aux différentes spécialités (suppression des CES en 1984, suppression des DESC en 2017). Le risque est grand que les étudiants soient à nouveau soumis à des appréciations partiales ; que le népotisme favorise les copinages et certains étudiants « fils et filles de … », au détriment d’étudiants issus de milieux défavorisés ou simplement « non médicaux » voire « non hospitalouniversitaires »
SNPHARE – Communiqué d’août 2018
Les questions de la préparation à ces épreuves et des modalités d’examen sont par ailleurs posées par de nombreux étudiants qui ont choisi l’Espagne, la Roumanie, la Belgique… pour faire leurs études de médecine.
Les décrets d’application de la réforme permettront d’y voir plus clair dans les mois qui viennent…
Sources :
• Conférence filmée donnée à Cluj-Napoca (Roumanie) par Jean-Christophe Paul, Chef du département des formations de santé au Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
• Remede.org
• Ministère des Solidarités et de la Santé