Accueil > Le Mag > Catherine Cusset ou comment devenir écrivain ?

Quelques secondes auront suffi. Dès les premiers mots, l’écrivain a surgi. Était-ce la marque de fabrique des auteurs ? Ou l’effet d’une formation littéraire aboutie ? Toujours est-il que Catherine Cusset a cette façon particulière de dire les choses. Qu’importe le sujet abordé – orientation scolaire, parcours d’études ou réformes Blanquer – il y a dans les modalités d’expression de cette femme la fluidité, la grâce, la singulière musicalité des narrations romanesques.

Cette amoureuse de Simone de Beauvoir nous a dit sa vie comme on raconte une histoire.

Et pour vous c’était comment l’orientation post-bac ?
Construire son parcours de formation, trouver son orientation post bac, choisir une voie professionnelle… ne sont pas des enjeux réservés aux jeunes d’aujourd’hui. Il y a 30, 40 ou même 50 ans, nos aînés aussi cherchèrent à dénicher le métier de leur rêve.
C’est pour appréhender leurs expériences que nous les avons sollicités. C’est pour comprendre quels furent leurs projets, leurs difficultés, leurs hésitations, leurs erreurs… que nous les avons rencontrés.
Le parcours d’Olivier Brémond
Le parcours de Jean-Philippe Leclaire

Comment devenir écrivain, célèbre de préférence ?

Brisons d’emblée le mythe : une carrière d’auteur à succès peut s’envisager sans pour autant opter pour le nec plus ultra des études de lettres. Après tout, Cocteau, Colette ou Giono, pour ne citer qu’eux, n’ont fait ni Khâgnes, ni Normale Sup pour sortir de l’anonymat littéraire.

Reste que c’est bel et bien ce parcours d’élite qui a conduit Catherine Cusset à la littérature. Des études de lettres recommandées par sa maman parce que susceptibles de déboucher sur ces diplômes qui permettent d’avoir un métier.

Celui d’écrivain demeurant sujet à circonspection du point de vue maternel.

vie de david hockney catherine cussetD’ailleurs, si Catherine Cusset avait avoué à sa mère qu’elle préférait devenir écrivain que professeur de littérature, sans doute celle-ci eut-elle repris à son compte la réponse que fît le directeur des Beaux-Arts de Bradford au peintre David Hockney dans les années 50 :

Tu es rentière ? Non ? Alors tu seras prof de lettres !

Hypokhâgne, deux Khâgne, École Normale Supérieure à Sèvres (lorsque la prestigieuse institution séparait encore filles et garçons), double licence en littérature et en philosophie, maîtrise sur un philosophe du XVIIIe siècle, agrégation en littérature classique, thèse sur le Marquis de Sade, PhD (doctorat) à l’université de Yale aux Etats-Unis, en 2 ans au lieu de 5 à 7 ans habituellement…

Catherine Cusset n’a pas encore 25 ans lorsqu’elle achève ses études de lettres.

Le préambule qui précède ce curriculum impressionnant permettra d’éviter les découragements intempestifs de celles et ceux qui se verraient bien écrivains autodidactes.

En terminale, la vocation d’écrivain de Catherine Cusset aurait pu ne jamais s’accomplir

Au lycée, langues vivantes, français et dessin mis à part, la future Prix Goncourt des lycéens (2008) ne brillait guère par ses résultats dans les autres matières.

…je m’ennuyais beaucoup, je n’aimais pas les cours, j’étais extrêmement bavarde, plutôt insupportable pour les professeurs… j’avais un dossier scolaire qui était très mauvais…

Il aura fallu l’intervention de sa professeure de dessin pour que la lycéenne parisienne entame une préparation littéraire à Louis le Grand.

Une fois en Hypokhâgne, les choses ne paraissent pas s’arranger.

Catherine Cusset prend la mesure de la tâche qui l’attend au regard des notes qu’elle obtient. En allemand, pourtant sa langue vivante de prédilection, comme en latin et en grec, les résultats sont pour le moins décevants. Larmes, doutes et déceptions succèdent aux piètres appréciations qui s’enchaînent.

De cette expérience en « prépa », elle retiendra néanmoins un processus d’apprentissage, une méthode de travail qui lui serviront plus tard dans l’écriture. Mais elle gardera aussi le souvenir indélébile d’années ô combien difficiles, que d’autres, parmi ses amis, n’auront pu surmonter.

Abandonner l’enseignement pour devenir écrivain

Professeur de lettres à Caen, puis à Yale, Catherine Cusset comble les désirs professionnels par procuration de sa maman. Ils émoussent aussi son inspiration d’auteure. L’enseignement de la littérature serait-il incompatible avec le dévouement romanesque ?

problème avec jane catherine cusset

Après le coup de pouce de sa prof de dessin, c’est un coup de foudre s’achevant en chagrin d’amour qui lance sa carrière d’écrivain.

Famille, mort, amitié, maladie, amour… en définitive, chez Catherine Cusset, les sujets importent moins que la façon de les aborder.

Qu’il s’agisse de réalités travesties en fictions décapantes, d’auto-dérision, de biographies romancées, la structure narrative, implacable, captive.

Quant au ton, direct et limpide, il emprunte aux libertins du XVIIIe si familiers pour l’auteure, l’impudeur souvent, la sensualité parfois, la vitalité et l’empathie toujours.

De La blouse roumaine à Vie de David Hockney, en passant par La haine de la famille, Confessions d’une radine, ou Jouir, en tout, une quinzaine de livres de Catherine Cusset ont été publiés en l’espace de trente ans.

Le problème avec Jane, son premier succès commercial, la propulsera même finaliste du prix Médicis et lauréate du prix des Lectrices de Elle.

 

Trouver son orientation, c’est choisir d’abord sa passion !

choisir le métier d'écrivain catherine cussetCatherine Cusset vit à New-York depuis près d’un quart de siècle. Elle connaît néanmoins l’existence de Parcoursup et note que les opportunités d’études sont plus vastes qu’il y a trente ou quarante ans.

Mais à dire vrai, cet éloignement qui s’éternise ne facilite pas un avis circonstancié sur les réformes engagées par Jean-Michel Blanquer.

Ce qui est quand même dur en France, c’est qu’on doive faire un choix si tôt !

L’auteure d’Un brillant avenir ne sait qu’une chose : pas facile de faire des choix d’orientation scolaires et professionnels quand on a 17 ans. N’en déplaise aux apôtres des parcours Avenir, des dispositifs « d’orientation active » et autres choix engageants de spécialités en seconde, il devrait être possible de se  donner le temps de peaufiner son projet.

…ça peut être bien de rester généraliste encore un an après le bac ou de partir voyager quelque part… Ne pas se précipiter en fait pour choisir ce qui va engager une vie quand même ! (…) C’est toujours possible de commencer quelque chose d’autre, si c’est pas à 17 ans, alors à 20 ans, à 22 ans ou même à 25 ans.

Pour Catherine Cusset, il faut privilégier ses envies, ses inclinations, ses passions. Qu’elles mènent à des métiers attendus par l’entourage immédiat ou pas. Et à défaut d’envies, il convient de procéder par éliminations.

S’il n’y a pas de désirs, alors il ne faut pas se presser. Il faut commencer par éliminer ce qu’on aime pas et voir ce qui reste !

Sages suggestions à méditer par certains.

Les études de lettres vous font envie ? Faites-vous accompagner par un.e spécialiste de l’orientation dans votre région