Sur Parcoursup, le nombre de candidats en attente d’une formation pour la rentrée diminue aussi lentement que les critiques du remplaçant d’APB progressent.
Entre le 26 juin dernier et le 21 juillet ils n’étaient que 7% de plus à s’être vu proposer une affectation.
Selon les chiffres du Ministère de l’Education, le 16 août, il restait près de 65 000 postulants désespérés. Dont 25% environ « d’actifs », c’est-à-dire de candidats véritablement à la recherche d’une place dans l’enseignement supérieur et ayant accepté d’être accompagnés.
Les inactifs sont ceux qui n’ont pas répondu aux sollicitations les invitant à s’inscrire en phase complémentaire ou à avoir recours à un accompagnement personnalisé en saisissant la Commission d’accès à l’enseignement supérieur.
Jérôme Teillard (chef du projet Parcoursup au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche)
A quelques courtes semaines de la fin de la phase principale (le 5 septembre) à compter de laquelle aucun voeu en attente ne subsistera, de nombreux inscrits ont conservé les leurs, bloquant des places aux autres.
Parcoursup avec Tonavenir
Pour ce parcours-ci, mieux vaut être accompagné d'un bon guide !
Depuis plusieurs semaines, les déboires de ces jeunes sans affectation ou n’ayant pas obtenu leur souhait de formation alimentent les passions médiatiques.
État des lieux des critiques formulées à l’encontre de Parcoursup
Pas simple de faire une synthèse exhaustive tant les sources d’exaspération sont nombreuses et souvent polémiques. On peut toutefois les présenter à l’aune des « Points forts de Parcoursup » tels que mis en avant sur la plateforme.
1er point fort de Parcoursup : « une procédure simple, transparente et juste »
Si on s’en tient aux alternatives offertes au futur étudiant, la procédure est en effet d’une indéniable simplicité. « Oui », « Oui, si » et « en attente d’une place » pour les formations de licence (non sélectives). « Oui », « Non » et « en attente d’une place » pour les CPGE, BTS, DUT et autres formations sélectives.
Moins simple en revanche de choisir parmi les quelques 13.000 possibilités offertes, la formation qui répond à ses envies et correspond aux attendus fixés au regard de son parcours.
Une procédure transparente ?
Pas de l’avis des syndicats et des associations d’enseignants, d’étudiants et de parents d’élèves qui s’interrogent sur le caractère discriminatoire de Parcoursup. Un questionnement qui les a conduit à manifester leur ardent désir de comprendre comment fonctionnait l’algorithme de Parcoursup s’agissant du tri et de la sélection des dossiers de candidatures.
Le défenseur des droits et la Commission d’accès aux documents administratifs ont été saisi dans cette perspective.
Même les sénateurs du groupe Les Républicains ont souhaité y voir plus clair. Une trentaine d’entre eux ont déposé un projet de loi, motivant leur décision par le fait que :
Des différences très importantes d’une université à l’autre, des taux de boursiers par établissement largement questionnables, des affectations excluant les meilleurs étudiants, des procédures et des réponses diverses et variées aux étudiants demandant des explications sur le processus… viennent mettre en lumière une rupture évidente d’égalité entre les étudiants et plus largement les usagers du service public.
Une circonspection générale que s’explique mal Frédérique Vidal. Pour la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche…
Effectivement, les fichiers Excel reposent sur des algorithmes. Mais il n’y a pas d’algorithmes locaux au sens où on a pu l’imaginer. Il y a un outil d’aide à la décision à la disposition des établissements, qui est totalement facultatif, sur lequel, effectivement il y a un travail qui est à faire.
Enfin, d’aucuns paraissent douter du caractère « juste » de la procédure Parcoursup.
Certains personnels enseignants s’étonnent par exemple des taux de lycéens hors secteur en fortes baisses. Alors que l’année dernière l’Unité de Formation et de Recherche de chimie de l’université Paris-Diderot était en mesure de dédier environ 40% de ses places disponibles en première année aux élèves de banlieue ou de province, elles ne seront que 3% cette année.
Conséquence de cette décision du rectorat : les bons et très bons élèves « hors secteur » sont largement devancés par de jeunes parisiens aux résultats passables, voire médiocres.
Les treize premiers admis ont des résultats corrects sans plus. Mais dès la 14e place, nous avons un élève parisien qui plafonne à 8 de moyenne générale. Malgré ses 17,5 de moyenne, un candidat du Val-de-Marne, lui, est relégué en attente à la 1 010e place.
Explique Benoît Piro, responsable de la licence de chimie (Paris Diderot)
Outre le fait que le système ne brille pas pour ses vertus équitables, il interroge sur le devenir de ces élèves moyens dans les matières scientifiques, qui risquent de redoubler, de décrocher ou d’envisager une réorientation.
2e point fort de Parcoursup : « un accompagnement assuré pour comprendre les enjeux »
Au 16 août, ils étaient près de 160.000 candidats (dont une bonne moitié de recalés au baccalauréat) à avoir quitté la procédure Parcoursup et plus de 48.000 à être qualifiés « d’inactifs ». Malgré cette proportion conséquente « d’exclus » de la procédure, il s’avère difficile d’expliquer précisément les raisons de ce désengagement.
On pourra néanmoins se demander si l’accompagnement était véritablement suffisant ?
3e point fort de Parcoursup : « des informations sur les caractéristiques de chaque formation (attendus, taux de réussite, débouchés…) »
Ces informations ne valent que dans les cas où le projet professionnel a été défini.
Mais comment choisir alors parmi les nombreuses formations existantes : sélective ou non sélective ? mon dossier scolaire est-il compatible avec les choix envisagés ? mieux vaut-il opter pour une bonne formation offrant peu de places et très demandée ou bien une formation plus accessible ? …
Et qu’en est-il des jeunes n’ayant aucune appétence particulière pour un secteur d’activité ou une profession ?
4e point fort de Parcoursup : « pas de classement des voeux »
Sur Parcoursup vous ne pouvez plus prioriser vos voeux de formations. Cette absence de hiérarchisation des voeux est l’un des grands changements apporté à l’ancienne plateforme APB, tant décriée pour son recours au tirage au sort lorsque les demandes pour une formation étaient largement supérieures aux places disponibles.
Plus de classement donc, mais une « préférence » à spécifier lorsqu’aucun des voeux n’a été accepté et qu’aucune proposition alternative n’a été faite.
Cette information, visible uniquement par la Commission d’accès à l’enseignement supérieur du rectorat de l’académie concernée, est censée faciliter et mieux cibler les recommandations de formations qui lui sont faites.
Les médias ont largement relayé les témoignages de candidats auxquels des propositions de formations privées auraient été suggérées, loin des « préférences » affichées par les étudiants.
5e point fort de Parcoursup : « des possibilités de voeux multiples »
10 aiguilles dans une meule de 13 000 formations. Les possibilités sont effectivement multiples.
Une profusion d’offres que la recherche multi-critères de la plateforme peut certes contribuer à réduire mais certainement pas à simplifier. Et qui nécessite, on l’a dit, d’avoir préalablement défini ses souhaits de métier(s) et pu s’assurer qu’ils étaient compatible avec les attendus de la formation envisagée.
Autant dire que possibilité ne rime pas avec facilité !
6e point fort de Parcoursup : « des propositions personnalisées adaptées au profil du candidat »
L’intérêt somme toute relatif d’une proposition personnalisée qui serait inadaptée au profil d’un candidat mis à part, la question porterait plutôt sur les modalités, voire les finalités de cette personnalisation ?
Le système méritocratique qui prévaut et que voulait Emmanuel Macron devait aussi s’accompagner d’un accès équitable aux formations. Au moins aux formations non sélectives. L’expérience a montré que dans plusieurs cas les mieux notés n’étaient pas nécessairement le mieux lotis.
Et que cette sélection de fait à l’université contre laquelle ont manifesté certains étudiants et certains enseignants étaient en définitive plus adaptée au profil scolaire du candidat qu’à son profil psychologique.
Autrement dit, cette « personnalisation » s’inscrit dans une logique purement arithmétique, elle-même conditionnée par des critères économiques : taux de réussite en 1ère année, débouchés professionnels… Elle ne tient compte pour l’essentiel que des résultats scolaires sans intégrer les motivations de l’élève (ou leur absence), son droit à tenter, à expérimenter et, surtout, à se tromper.
7e point fort de Parcoursup : « pas d’affectation par tirage au sort »
C’était l’une des raisons ayant abouti à la fin programmée d’Admission Post-Bac, plus tristement connue sous l’acronyme APB.
La sélection sur dossier a remplacé le tirage au sort. Mais c’est encore un algorithme qui participe de l’affectation des candidats en raison du nombre pléthorique de candidatures à traiter (près de 900 000 candidats, 13 000 formations, 10 voeux).
Dans deux tribunes publiées à une semaine d’intervalle dans L’Obs cet été, le chercheur belge Hugues Bersini et le professeur d’économie Vincent Iehlé procèdent à une dissection en règle de l’algorithme Parcoursup.
Pour le premier, cet algorithme relève de choix idéologiques visant à privilégier une « répartition méritocratique » pour l’attribution des formations, qu’une sélection locale amplifierait.
Cessons de penser que les algorithmes prennent des décisions ; ils ne font qu’exécuter les choix de ceux qui les ont écrits. Et, dans le cas de Parcoursup, ceux qui ont écrit l’algorithme ont transcrit dans sa formule des choix lisibles qui découlent directement d’une décision politique et idéologique inscrite dans la loi ORE (sur l’orientation et la réussite des étudiants) voulue par le président Macron et son gouvernement.
Hugues Bersini – L’Obs du 18 juillet 2018
Le second réfute quant à lui la thèse selon laquelle Parcoursup serait discriminatoire. Selon lui, le remplaçant d’APB n’aurait strictement rien changé pour les formations sélectives, qui représentent la grande majorité des voeux enregistrés. Seules les filières non sélectives seraient concernées.
Et pour Vincent Iehlé Parcoursup n’aurait pas de réelles conséquences sur les affectations « locales » dans la mesure où la plupart des formations n’ont aucun souci de capacité d’accueil.
Le professeur d’économie de l’université de Rouen-Normandie estime en revanche que l’absence de hiérarchisation des vœux serait une source de discriminations.
Les candidats les moins « désirés » seraient aussi les plus impactés dans la mesure où ils sont les derniers à connaître leur affectation.
Du fait de l’absence de hiérarchisation des vœux, Parcoursup repose sur un principe de propositions faites au fil de l’eau en fonction des acceptations et des refus préalables. Ces décisions qui s’étalent sur plusieurs semaines posent problème. Sans date butoir raisonnable, à part celle du 5 septembre qui clôt la procédure, Parcoursup rend incertaine la date à laquelle les élèves connaîtront leur destination définitive à la rentrée. Du côté des formations, la procédure rend également délicate la gestion des effectifs d’étudiants.
Vincent Iehlé – L’Obs du 24 juillet 2018
Reste que pour améliorer l’algorithme Parcoursup les deux hommes s’entendent sur un point : solliciter « enseignants, parents et étudiants » afin qu’ils co-écrivent « les choix concrets dont sera porteur l’algorithme ».
La mise en place d’une nouvelle procédure d’admission comme Parcoursup est coûteuse, il faudra donc s’assurer à l’avenir qu’elle soit pérenne, transparente et acceptée par tous. Sur ce point, on ne peut que rejoindre l’idée défendue par Hugues Bersini d’une participation citoyenne à l’écriture des algorithmes.
Vincent Iehlé
Au moins les intervenants pourraient-ils s’entendre sur ce que devraient être, à l’avenir, les points forts de Parcoursup.