Accueil > Le Mag > Un ex directeur de CIO répond à un ancien Ministre de l’Education Nationale

En décembre dernier, l’ancien Ministre de l’Education Nationale et nouveau Premier Ministre Gabriel Attal, s’adressait par courrier à la communauté éducative.

Dans cette longue missive dont nous avons pris connaissance, il évoquait les différentes mesures qu’il envisageait de prendre à l’issue d’une consultation menée deux mois durant auprès « d’une centaine d’acteurs éducatifs, scientifiques, syndicaux ». Des mesures qui pourraient être mises en place par la nouvelle Ministre Nicole Belloubet.

Bernard Desclaux, ancien directeur de CIO, a bien voulu apporter quelques éléments de réponses au courrier de Gabriel Attal.

Mesdames et messieurs les professeurs,
Mesdames et messieurs, membres de la communauté éducative,

Le 5 octobre dernier, je vous annonçais engager une mobilisation absolue pour l’élévation du niveau de nos élèves – un « choc des savoirs ».
Deux mois durant, une mission composée tout à la fois d’experts nationaux et de professeurs du terrain a auditionné près d’une centaine d’acteurs éducatifs, scientifiques, syndicaux. Vous avez été plus de 230 000 professeurs à répondre à sa consultation numérique. Je vous remercie pour vos contributions.

Ces travaux, d’une très grande richesse, me conduisent aujourd’hui à prendre une série de décisions.

ancien ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Conformément à la méthode que j’applique depuis ma nomination, je choisis de partager avec vous mes décisions le plus directement possible, plutôt que par voie de presse.
Comme toujours, je répondrai bien entendu aux questions des journalistes, essentielles au débat public. Mais c’est à vous que je m’adresse d’abord. À vous que je fais mes annonces. C’est pour moi tout à la fois une question de respect et l’expression d’une conviction forte : c’est avec les professeurs, par les professeurs, grâce aux professeurs, que nous relèverons le défi de l’élévation du niveau.

Pour cela, je le sais, vous avez besoin d’être soutenus. Soutenus dans vos conditions quotidiennes d’exercice, vos évolutions de carrière, qui font l’objet de travaux spécifiques dans le chantier « attractivité » que j’ai ouvert avec les organisations syndicales et que je souhaite voir aboutir début 2024. Soutenus pour mieux accueillir nos élèves en situation de handicap dans le cadre de l’Ecole inclusive, pour laquelle nous travaillons à des évolutions avec mes collègues du Gouvernement.
Le soutien du ministère, il vous est aussi dû s’agissant de notre organisation, de nos règles, pour mieux reconnaître la place centrale qui est la vôtre dans l’élévation du niveau de nos élèves.

Or, d’année en année, de réforme en réforme, l’autorité de votre expertise pédagogique a pu être progressivement affaiblie. Personne ne connaît mieux que vous le niveau de vos élèves, et pourtant… Pourtant votre avis quant aux conditions de passage de vos élèves dans la classe supérieure a été rendu accessoire dans le texte-même du Code de l’éducation. Pourtant leur contrôle continu pour le diplôme national du brevet n’est plus l’émanation directe des notes que vous leur attribuez dans vos disciplines. Pourtant votre évaluation du niveau d’une copie du brevet ou du baccalauréat se trouve si souvent modifiée par un « correctif académique » qui en réévalue artificiellement la valeur.

Notre École a besoin d’une revitalisation pédagogique à la main des enseignants. Dès le premier trimestre de l’année 2024, je publierai un décret qui rendra à l’équipe pédagogique – et non plus aux familles – le dernier mot s’agissant du redoublement de l’élève. Je prendrai également une circulaire qui supprimera le « correctif académique » dès la session 2024 du brevet et du baccalauréat.
Ce sont désormais les notes que vous attribuez, et elles seules, qui détermineront leur obtention par nos élèves.

École, collège, lycée : mon souhait est bien de remettre de l’exigence à tous les étages. Avec la science et le bon sens comme boussole.

Tant se joue dès l’école primaire.

Les études le montrent : la plupart des élèves décrocheurs étaient déjà en difficulté à la fin de leur CP. C’est pour cela que nous avons fait le choix, dès 2017, d’investir massivement pour l’école primaire. Nous commençons à en mesurer les résultats : en mai dernier, l’étude internationale PIRLS indiquait que nos élèves de CM1 étaient les seuls d’Europe à progresser, et les dernières évaluations nationales ont montré que la part des élèves en difficulté à l’entrée en 6ème a diminué.
Il faut aller plus loin.

De nouveaux programmes s’appliqueront à l’école primaire, à commencer, dès septembre prochain, par les classes de la maternelle au CE2.
Deux principes clairs guideront les travaux : la simplification – avec des programmes moins volumineux – la clarification – avec l’intégration d’objectifs annuels figurant aujourd’hui dans divers guides épars et le choix clair de la pédagogie explicite.
Pour mieux aider nos professeurs et les collectivités locales dans leurs choix, les manuels scolaires du premier degré dont l’efficacité des contenus a été prouvée par la science et par la pratique bénéficieront désormais d’une labellisation. Je souhaite, à l’instar des modèles appliqués au Japon ou au Portugal, que les modalités de labellisation intègrent la participation de professeurs du terrain.
Tant d’études le disent : les manuels jouent un rôle clé. Or, 60 % des élèves n’en bénéficient pas en CP. Pour renforcer les chances de réussite sur tout le territoire, et même s’il s’agit d’une compétence des collectivités locales, l’État financera désormais des manuels scolaires en lecture et mathématiques des élèves de CP et de CE1. Je lancerai les achats pour la rentrée 2024.

Pour donner toutes les chances à nos élèves de réussir, les professeurs auront désormais le dernier mot s’agissant du redoublement.

Ils pourront par ailleurs désormais recommander, voire prescrire, à leurs élèves des stages de réussite durant les vacances scolaires conditionnant leur passage dans la classe supérieure. Ces stages constituent une réelle plus-value pour les élèves en difficulté. L’an passé, 40 000 professeurs volontaires les ont animés. Leur rémunération sera désormais doublée dans le cadre du pacte enseignant, à 156 € pour 3 h.

L’organisation de notre collège fragilise aujourd’hui nombre de nos élèves.

Beaucoup me le disent sur le terrain et 80 % de ceux d’entre vous qui ont répondu à la consultation en ligne l’ont indiqué : une trop forte hétérogénéité de niveau freine la capacité à faire progresser tout le monde.
D’autres pays, comme la Suisse, la Suède et le Danemark, ont su s’adapter et prendre des mesures pour répondre à cette réalité.

À compter de la rentrée prochaine, les élèves de 6ème et de 5ème seront donc désormais répartis en 3 groupes de niveaux pour leurs enseignements de français et de mathématiques. Ces groupes seront flexibles et leur dimension adaptée : des créations de postes permettront de limiter le groupe des élèves les plus en difficulté à une quinzaine d’élèves.
La même organisation s’appliquera pour les classes de 4ème et de 3ème à compter de la rentrée de septembre 2025.

Par ailleurs, les collégiens connaissant les plus grandes difficultés s’agissant du français et des mathématiques pourront désormais bénéficier d’une scolarité aménagée : le volume horaire de ces disciplines pourra être sensiblement augmenté, avec une réduction temporaire des cours dans d’autres disciplines.

Je souhaite par ailleurs donner une véritable exigence au diplôme national du brevet. Au-delà de la suppression des consignes de correction académiques que j’appliquerai dès la session 2024, celui-ci évoluera plus profondément à partir de la session 2025.
D’abord, la note du contrôle continu sera calculée à partir de la moyenne des notes disciplinaires que vous attribuez aux élèves, et non plus par les « compétences » converties en points.
Ensuite, les épreuves terminales représenteront 60 % de la note finale, au lieu de 50 % aujourd’hui.
Enfin, le diplôme du brevet conditionnera l’accès direct au lycée. Les élèves en difficulté et qui n’obtiendront pas leur brevet ne feront pas leur entrée en 2nde l’année suivante, mais rejoindront une classe « prépa-lycée » pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite.

Tous les élèves entrant au lycée seront désormais accompagnés, à la maison, d’un outil d’IA de remédiation ou d’approfondissement en français et en mathématiques.
Ce logiciel souverain, construit avec des chercheurs et des enseignants, propriété du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, sera mis gratuitement à disposition de 200 000 élèves de 2nde dès les prochains mois, avant d’être généralisé à l’ensemble des élèves de 2nde à partir de septembre prochain.
La France sera ainsi le premier pays au monde à généraliser à l’ensemble d’une classe d’âge un outil d’élévation du niveau fondé sur l’intelligence artificielle.

Enfin, vous le savez, la réforme du lycée professionnel que nous portons avec Carole Grandjean vise tout à la fois à renforcer le lien de nos élèves avec le milieu professionnel et à élever leur niveau dans les enseignements généraux.
Ainsi, à compter de la rentrée prochaine, nous avons décidé de renforcer sensiblement le volume horaire des enseignements généraux en terminale professionnelle. Par ailleurs, les cours de mathématiques et de français en 2nde et en 1ère professionnelles se dérouleront désormais en petits groupes.

Pour terminer, je veux avoir un propos spécifique pour les mathématiques.

Depuis trop longtemps, nous déplorons une chute du niveau de nos élèves, une perte du goût pour cette matière. Or, elle est absolument fondamentale. Pour la structuration de la pensée de chacun comme pour la souveraineté technologique de notre Nation à l’avenir.
Le retour d’une heure et demi de mathématiques dans le tronc commun de l’ensemble des élèves de 1ère cette année est une étape importante, mais il faut aller plus loin. Je veux engager, avec vous, un grand sursaut mathématique pour notre Ecole.

Dès la rentrée prochaine, la révision des programmes de l’école primaire nous permettra d’adopter progressivement la méthode de Singapour pour les mathématiques, anticipant par exemple l’apprentissage des fractions et des nombres décimaux dès la classe de CE1.
Cette méthode, désormais appliquée par 70 pays, a fait ses preuves. Je rappelle qu’elle a été construite à partir des meilleures inspirations internationales, et notamment de Ferdinand Buisson, qui lui-même plaidait pour le concret, avant l’imagé, puis l’abstrait.

Le déploiement du CNR-NEFLE a déjà permis le financement de plus de 5 000 projets pédagogiques portés par les enseignants. Une grande partie d’entre eux concerne les mathématiques, avec par exemple le déploiement de « labos de maths ». Il nous faut poursuivre et amplifier cette mobilisation !

Je suis convaincu que les groupes de niveau en mathématiques au collège nous aideront eux aussi à redresser la barre. Ils donneront aux élèves les plus en difficulté la possibilité, en petits groupes, de combler les lacunes et de progresser. Quant à nos élèves ayant le meilleur niveau et la plus grande appétence, ils y verront l’opportunité de s’envoler, en allant plus loin encore que le programme.

Le baccalauréat général et technologique prévoit aujourd’hui une épreuve anticipée de français en fin de 1ère, car cette matière est à juste titre considérée comme au fondement de notre culture commune.
Je crois profondément que notre culture commune est également scientifique. Aussi, j’ai décidé qu’à compter de l’année scolaire 2025-2026, une nouvelle épreuve anticipée du baccalauréat en fin de 1ère générale et technologique sera dédiée aux mathématiques et à la culture scientifique, pour l’ensemble de nos élèves.

Mesdames, messieurs les professeurs,
Mesdames, messieurs les membres de la communauté éducative,

Vous accomplissez, dans des conditions souvent difficiles, la mission la plus noble qui soit : celle d’instruire, de démocratiser le savoir et de former des républicains. Cette vocation, c’est le ciment de la Nation, l’assurance-vie de la République.
Chaque jour, vous accomplissez des miracles, déjouez des pronostics, permettez à des élèves d’écrire leur propre destin, prouvez que la pédagogie peut renverser la sociologie.
Mon souhait, mon unique souhait, c’est que vous trouviez dans cette mobilisation pour l’exigence les moyens d’amplifier encore votre action au service de nos élèves.
Vous me trouverez, pour cela comme pour tout le reste, toujours à vos côtés, avec un respect total et une admiration infinie.

Fidèlement,

GABRIEL ATTAL
Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse

Retraité de l’Education Nationale, Bernard Desclaux a été Directeur de CIO.

Il anime un blog consacré à l’éducation et a publié deux ouvrages : « Le Centre d’Information et d’Orientation, une structure à la marge de l’Education Nationale », et « Orientation scolaire, les procédures mises en examen ».

A lire : Procédures d’orientation au collège et au lycée : entretien avec Bernard Desclaux

Bernard Desclaux

Monsieur le Premier ministre,

En tant que ministre de l’Éducation nationale, vous vous êtes adressé par lettre à l’ensemble des professeurs et de membres de la communauté éducative. Aujourd’hui Premier ministre, vous avez déclaré emporter avec vous votre ancien dossier à Matignon.

Le « Choc des savoirs » semble toujours la feuille de route de votre ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Aussi je me permets de vous adresser quelques remarques, en tant que simple retraité de l’Éducation nationale.

Votre choix d’une lettre comme canal de communication est tout à fait pertinent par rapport à votre projet d’ensemble. Un projet qui, en apparence, consiste à restaurer le pouvoir des enseignants et rassemble étrangement tous les éléments d’un discours populiste « anti système ».

Mais il n’est pas sûr qu’il fasse l’unanimité dans la communauté éducative. De nombreux parents, notamment, l’interprèteront comme entraînant une perte de leur propre pouvoir.

D’emblée, vous affichez « le défi de l’élévation du niveau. »

Dans le contexte de la publication des résultats de l’enquête PISA, qui poursuit de pointer les mauvaises performances de nos élèves (1), cela sonne bien, et montre la détermination du ministère, ou du moins du ministre.

Il s’agit là d’une belle formule volontariste, mais qui ne veut pas dire grand-chose, car avant de se lancer dans le listage des comment faire, faut-il encore répondre au moins à deux questions :

  1. Élever le niveau de qui et/ou de quoi ?
  2. Le niveau de réussite (en quoi ?) de l’ensemble de la population scolaire ou de tous et donc de chacun ?

Les modalités de mise en œuvre seront bien différentes selon le choix de l’objectif.

Concernant le niveau des élèves, ce qu’indique PISA est assez clair depuis la première enquête de 2000. Nos résultats ne sont pas homogènes, ils sont le produit notamment de deux populations scolaires aux résultats très différenciés.

Pour faire simple, les « bons » réussissent très bien, et les « mauvais » réussissent très mal.

Si on s’arrête à ce constat, on pourrait dire que la méritocratie fonctionne bien dans notre système scolaire qui sait parfaitement identifier et séparer les méritants des autres.
Sauf que la deuxième caractéristique que pointe PISA montre que la réussite scolaire est liée à la position sociale, ce qui remet en cause le principe même de la méritocratie. Le mérite scolaire n’est pas le produit personnel, mais l’effet du contexte social en grande partie.

L’autre question porterait sur le niveau des attentes.
Augmenter le niveau des programmes d’enseignement contribuera à accentuer la différenciation entre les forts qui pourront « suivre » et ceux qui ne le pourront pas.
Mais encore faut-il s’entendre sur la nature du curriculum prescrit. Le définir et fixer ses modalités politiques posent problème en France. Qui en décide ? Au sein du ministère, est-ce l’Inspection générale, ou des comités ad-hoc ? Est-ce une affaire pédagogique ou politique ? Claude Lelièvre en avait fait l’histoire (2) dans un petit livre publié avant l’institution du socle commun et qui montrait les diverses tentatives ratées de définition des programmes par le politique.

Il y eut l’engagement au soutien des enseignants (notamment par le chantier « attractivité » (3), bien qu’il concerne toute la fonction publique). Vous appelez aujourd’hui à la restauration de l’autorité des enseignants en mettant sa perte sur le dos de vos prédécesseurs : « d’année en année, de réforme en réforme, l’autorité de votre expertise pédagogique a pu être progressivement affaiblie. »

Il faudrait donc selon vous restaurer leur autorité dans les procédures d’orientation, la reconnaissance des notes, et supprimer toute relativisation en la matière comme par exemple les correctifs académiques.

Les chercheurs travaillant sur l’effet « établissement » apprécieront la brusque disparition de plusieurs années de recherches !
Un boulevard est ouvert pour le retour à l’objectivité de la notation comme pratique individuelle. La docimologie en avait fait la critique depuis bien longtemps. Plus récemment, Robert Antibi avait fait de même avec le principe de la constante macabre.
Au fond le re-tour, comme le réarmement (4) de votre Président, est une formule pratique pour faire croire à un moment mythique originel. L’utilisation du « re » permet d’éviter la justification de la mesure proposée puisqu’elle a déjà existé par le passé.

Après le diagnostic et les intentions, vous annoncez une série de mesures chapeautées par un souhait : « remettre de l’exigence à tous les étages. Avec la science et le bon sens comme boussole. » On sent bien la prudence qui vous anime, il ne faudrait pas effrayer le chaland. Et au pays de Descartes, il est toujours de bon ton de faire appel à la fois à la science et au bon sens.
Pour faire bonne mesure, vous vous référez à deux principes : la simplification et la clarification pour guider l’élaboration (par qui ?) de nouveaux programmes pour le Primaire. Ainsi, les programmes seront moins volumineux (sans doute une bonne chose) avec des « objectifs annuels figurant aujourd’hui dans divers guides épars et le choix clair de la pédagogie explicite ».
Ainsi, derrière l’apparente restitution de la liberté pédagogique pointe très vite en fait un encadrement pédagogique des enseignants par la préconisation de méthodes pédagogiques.

À l’instar de votre programme le « Choc des savoirs », l’ensemble des mesures que vous indiquez dans cette lettre font transparaître un fil conducteur et un projet. Reprendre le contrôle de la circulation des élèves dans le système scolaire et globalement réduire tout à la fois la démocratisation (faire réussir tous les élèves) et la démographisation (allonger le temps de la scolarisation). Pour y parvenir, vous vous appuyez sur deux piliers : les enseignants et les diplômes.

Au pays du redoublement, redonner du pouvoir de décision aux enseignants sur ce sujet ne risque pas de favoriser la recherche d’autres solutions pour l’accompagnement des élèves en difficulté.

Il ne serait guère étonnant que le nombre de redoublements s’accentue.

Le fonctionnement par groupes de niveaux (5) que vous allez mettre en place à la rentrée prochaine risque quant à lui d’être confronté à la dure réalité du manque de moyens humains. Opter pour une répartition en 3 groupes de niveaux au collège, suppose un triplement des enseignants pour les matières concernées (math et français), alors même qu’il s’avère difficile de recruter.
Ce dispositif, apparemment généreux, ne pourra donc se mettre réellement en place. Restera le redoublement comme seule remédiation possible à la difficulté scolaire.

Concernant le rôle que vous attribuez aux diplômes, il y a de quoi s’interroger. Le brevet ne sera plus seulement une validation de niveau d’études, mais aussi une autorisation à passer, autrement dit une épreuve d’orientation (6).
« Plus que de revoir la manière dont se déroule et s’organise cet examen, il s’agirait de toucher à sa nature même, c’est-à-dire de changer ses finalités et son rôle. (7) » Ce changement fondamental de l’utilité de cet examen se double d’une forme de retour sur une vieille obsession gaullienne qui s’est concrétisée dans les années 60 : faire de la troisième un rempart protégeant l’entrée du supérieur.

Mais il y a également un autre retour. Depuis les années 70, les décisions d’orientation, de passage en classe supérieure, reposent sur un jugement du conseil de classe et non plus (seulement) sur les notes. Avec le brevet nécessaire pour « passer » en seconde, on re-vient au principe de la circulaire de… 1890 qui a fonctionné jusque dans les années 60. La réussite aux épreuves trimestrielles déterminait le passage ou non en classe supérieure (8).

L’introduction d’une nouvelle épreuve anticipée du baccalauréat en fin de 1ère générale et technologique me surprend. Considérer que, comme le français, ces matières appartiennent ou font notre culture commune est en effet juste, mais ne justifie en rien le placement de l’épreuve en première.
Il pourrait être au contraire opportun de placer ces épreuves en fin de terminale, à l’issue d’un plein enseignement de ces matières. Curieusement, on assiste à une réduction de l’enseignement en terminale qui pourrait préparer la mise en place d’une année de « propédeutique ».

Cette lettre montre bien qu’en raison des choix malheureux que vous avez faits, le collège fera encore plus fortement office de grande gare de triage. Car il ne peut être à la fois un filtre et un espace d’acquisition d’une culture commune.

Bernard Desclaux, directeur de CIO honoraire