Accueil > Le Mag > Devenir chercheur, mais pour faire de la recherche en quoi ?

Mon arrière grand-père avait pour coutume de dire :

Si tu ne parviens pas à trouver ce que tu cherches, ne cherche pas ! Attends de trouver sans chercher.

J’avais alors une immense admiration pour l’approche philosophique de mon arrière grand-père et une foi inébranlable en ses recommandations que j’appliquais à la lettre.

Ainsi, à Pâques, j’ai fort longtemps attendu de trouver, sans les chercher, les oeufs que mon arrière grand-mère avait disséminés dans le grand jardin de leur maison. Je parcourais le gazon fraichement coupé en sifflotant, les mains enfouies nonchalamment dans les poches de mon pantalon et l’oeil néanmoins alerte. J’attendais qu’un signe, fut-il extraterrestre, me conduisît vers le graal chocolaté.

N’ayant jamais trouvé aucun oeuf de Pâques sans les discrètes et précieuses indications de mon arrière-grand mère, j’ai fini par douter de pouvoir trouver un jour ce que je ne chercherais pas.

A mon avis, il est donc préférable de chercher ce que l’on souhaite trouver.

Sans toutefois aucune garantie de trouver ce que l’on cherche. Ce serait trop simple. Nombre de scientifiques enthousiastes font des années durant de savantes et minutieuses recherches sans même avoir l’embryon d’une idée de ce qu’ils vont trouver si tant est qu’ils trouvent un truc.

Faire de la recherche sans espoir d’aboutir rend alors la recherche fastidieuse voire un tantinet frustrante.

Dans la vidéo ci-dessous, le cas de Paulo, qui cherche une formation pour trouver une filière d’enseignement de chercheur qui lui permettra de trouver un métier, est l’illustration, certes saugrenue, de ce constat.

Pour devenir chercheur, il ne faut pas chercher à comprendre. Il faut comprendre ce que l’on cherche. Tout est là.

La recherche c’est quoi ?

Les domaines de la recherche sont vastes et couvrent de nombreuses disciplines. Citons les 3 principaux.

La recherche fondamentale

Elle précède la recherche appliquée et désigne les expériences et les travaux théoriques menés dans la perspective de générer des connaissances nouvelles par l’étude ou l’observation de phénomènes naturels ou physiques.

L’étude des levures a par exemple contribué à mieux appréhender le fonctionnement cellulaire et son influence sur les cancers.

Physique, chimie, biologie, mathématiques, sciences de la Terre et de l’Univers… comptent parmi les sous-domaines de la recherche fondamentale.

3 chercheuses en recherche fondamentale

La recherche appliquée

Elle s’inscrit quant à elle dans la volonté d’exploiter les concepts et les théories mis à jour en recherche fondamentale pour ses possibles applications.

Sans les travaux sur la physique quantique effectués dans la première moitié du XXe siècle, l’invention du transistor et plus tard la miniaturisation des composants électroniques n’auraient pas été possible et nos si précieux smartphones n’existeraient pas.

Ingénierie, informatique, intelligence artificielle, médecine et sciences de la Santé, sciences de l’environnement, biotechnologie… sont utilisées en recherche appliquée.

deux chercheurs en recherche appliquée

La recherche en Sciences Humaines et Sociales

Elles explorent les aspects humains de la société, les comportements individuels et collectifs, les structures sociales, les processus culturels et historiques.

Elles ont pour but de mieux comprendre la complexité des sociétés, les interactions humaines, et les phénomènes culturels.

Elles intègrent des disciplines telles que la psychologie, la sociologie, l’économie, l’anthropologie, l’histoire, la communication, les sciences politiques, la linguistique…

chercheur en sciences humaines et sociales

Eurêka : je veux devenir chercheur !

Vous envisagez de faire de la recherche ?

  1. Commencer par chercher les sujets et les disciplines qui vous passionnent. Puis choisissez les spécialités de première et de terminale qui les abordent.
  2. Intéressez-vous aux formations post-bac qui vous permettront de poursuivre votre parcours dans la recherche. Un bac+5 sera nécessaire pour continuer.
  3. Votre master ou équivalent obtenu, vous devrez chercher un sujet de thèse afin d’obtenir un doctorat. Cette période, rémunérée, pourra s’échelonner sur plusieurs années.
  4. Doctorat en poche, il vous faudra enfin acquérir des expériences post-doctorales afin d’approfondir vos compétences en recherche et de vous préparer à des postes académiques ou de recherche avancée.
  5. Vous serez chercheur ou enseignant-chercheur et exercerez dans une université, un centre de recherche, une entreprise privée, une ONG…

Où travaille un chercheur ?

Si vous envisagez de devenir chercheur, vous pourrez, selon votre spécialité, travailler pour un organisme public (tel que le CNRS), au sein d’une structure industrielle ou commerciale (tel que le Centre National d’Études Spatiales) ou encore dans une entreprise privée (industrie, laboratoire pharmaceutique…).

chercheuse en laboratoire

Quelles formations pour devenir chercheur ?

Médecine, physique, mathématiques, biologie, chimie, sciences humaines, agronomie, enseignement… Quel que soit le domaine dans lequel vous envisagez d’évoluer, deux filières, qui peuvent s’avérer complémentaires, conduisent à la profession de chercheur :

L’université vous permettra de présenter une thèse dans la matière que vous aurez choisie et d’obtenir, au terme d’un parcours de 8 ans minimum, votre doctorat. Si la perspective d’enseigner vous tente, vous devrez en outre passer le concours de Maître de conférence. Durant cette période, vous serez amené à publier régulièrement le fruit de vos recherches dans des revues spécialisées. L’anglais ne sera donc pas superflu !

L’école d’ingénieur peut aussi vous destiner à la profession de chercheur. Libre à vous de poursuivre votre formation dans une université afin de passer un doctorat. En France, il existe plus de 200 établissements publics et privés susceptibles de vous délivrer un diplôme d’ingénieur (de niveau Master) reconnu par l’État (grâce à la Commission des Titres d’Ingénieurs).

Plusieurs voies possibles selon la matière sélectionnée, le cursus choisi (concours post-bac, prépa intégrée, concours post-prépa…), la qualité du diplôme attendu (Grande école…), les moyens financiers requis, la qualité de votre dossier, etc.

À NOTER

Tonavenir organise des sessions de préparation aux concours des écoles d’ingénieur post-bac.

Établissement à part, l’ENS (École Normale Supérieure) forme depuis la fin du XVIIIe siècle le nec plus ultra des équipes de recherche en particulier. 33e mondiale dans le classement de Shanghai 2024, l’ENS compte parmi ses anciens élèves quatorze Prix Nobel, presque autant de récipiendaires de la Médaille Fields et trente médaillés d’or du CNRS.

À LIRE

Faire des études d’ingénieure après le bac : ce qu’il faut savoir sur ces formations

étudiante en recherche

ENTRETIEN AVEC DEUX CHERCHEUSES

Joana GUERRIN est Chargée de recherche en science politique à l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE).

Projet de recherche récent : « Les solutions fondées sur la nature, de la théorie à la pratique : comparer la France et les Etats-Unis« .

Joana GUERRIN Chargée de recherche en science politique

Sheryl BUI est Chercheuse en Biologie Cellulaire et Moléculaire, Université Paris Cité, Centre national de la recherche scientifique 7057 (CNRS), Inserm U1316.

© Photo ci-après : Clémence Losfeld

Sheryl BUI chercheuse CNRS

Pourriez-vous expliquer en quoi consiste votre activité de chercheuse ?

Joana GUERRIN

Mon activité de chercheuse en science politique consiste à poser des questions, et à y répondre, sur des sujets en lien avec des politiques environnementales.

Je m’intéresse plus spécifiquement à la gestion des inondations ou des sécheresses.

Par exemple, je travaille sur la manière dont en France, ou aux Etats-Unis, on gère le risque inondation grâce à la nature, en mettant en oeuvre ce qu’on appelle « les solutions fondées sur la nature »‘.

Je cherche aussi à comprendre les conflits autour de la mise en oeuvre des politiques de gestion des risques liés à l’eau.

Pour répondre aux questions que je me pose, je réalise des enquêtes de terrain en allant questionner des acteurs comme des agents publics, des représentants d’associations, ou des élus. Je peux travailler grâce à des entretiens, ou à des questionnaires (enquêtes quantitatives réalisées auprès de gestionnaires ou de riverains).

Sheryl BUI

Mon activité de chercheuse consiste à répondre à une problématique répondant à un besoin technique, scientifique ou médical.

Très souvent ces trois aspects sont intriqués car ils correspondent à des échéances différentes dans le processus de recherche.

Par exemple, le développement d’un nouveau traitement médical peut être bloqué par une méconnaissance de la pathologie.

Pour répondre à ces questions, j’alterne entre une activité théorique et une activité pratique.

La partie théorique consiste à diviser le problème en sous-parties, puis à concevoir des expériences scientifiques permettant de répondre à chacune de ces sous-parties. Chaque résultat à une expérience scientifique est comme une brique avec laquelle je construis la réponse au problème de départ.

La partie pratique consiste à réaliser ces expériences scientifiques au laboratoire. Pour ce faire, j’utilise des techniques que j’ai apprises au cours de ma formation, et des machines sophistiquées comme des microscopes capables de photographier les composants d’une cellule.

En tant que biologiste cellulaire, mes expériences sont le plus souvent réalisées à la paillasse, et il s’agit en général d’un travail manuel.

Enfin, mon métier de chercheuse consiste également à participer à la diffusion du savoir.

Cela peut prendre la forme de réunions d’équipe pour partager nos résultats entre chercheurs, de publications dans des revues scientifiques ou des présentations orales au cours de congrès internationaux.

Cela passe également par la formation d’étudiants en stage au laboratoire ou par des enseignements dispensés à l’université

Quel a été votre parcours de formation ?

Joana GUERRIN

J’ai eu un parcours non linéaire. J’ai commencé après mon baccalauréat littéraire par une Licence (L3) en langues étrangères appliquées, option économie internationale à l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

J’ai bifurqué vers un Master 1 en Economie sociale et aménagement, puis un Master 2 en Gestion Sociale de l’Environnement.

J’ai ensuite travaillé deux ans aux Nations-Unies, après un stage réalisé au Fonds International de Développement Agricole à Rome sur la gestion de l’eau dans les pays du Sud.

Cette expérience dans l’opérationnel m’a donné envie de travailler sur ces questions de manière plus critique et distanciée, ce que permet la recherche académique.

J’ai ainsi réalisé un Master Spécialisé à AgroParisTech en Gestion de l’Eau à Montpellier, puis commencé un doctorat en Science Politique, discipline qui m’a attirée pour poser des questions de mise en oeuvre des politiques publiques environnementales.

Sheryl BUI

Après avoir réussi le concours d’entrée en médecine, j’ai intégré le Double-Cursus Médecine-Sciences de mon université.

Cette formation m’a permis d’acquérir une base scientifique solide tout en poursuivant des études de médecine dans l’objectif d’être médecin-chercheuse.

Ainsi, j’ai réalisé un Master et un Doctorat de Biologie Cellulaire et Moléculaire au cours de mes études de médecine.

Il existe de plus en plus d’universités proposant des doubles-cursus de ce type en France.

De plus, il existe un programme national pour les étudiants des universités sans double-cursus, il s’agit de l’École de l’Inserm-Liliane Bettencourt (EDILB).

J’aimerais rappeler qu’il existe mille et une manières de réaliser une carrière scientifique.

En effet, les profils dans les laboratoires sont très souvent variés.

Certains passeront par la santé – toutes les professions sont concernées dont les pharmaciens, dentistes, sage-femmes, infirmiers, etc. -, d’autres par des écoles d’ingénieurs, la majorité par l’université via le système Licence-Master-Doctorat (LMD), et enfin d’autres par des filières techniques comme le Brevet de Technicien Supérieur (BTS).

Quelles ont été vos motivations originelles et pourquoi avoir souhaité devenir chercheuse dans ce domaine ?

Joana GUERRIN

Le domaine qui est le mien maintenant, la science politique, et les politiques de l’eau, ne sont pas un choix originel, mais plutôt issu d’un cheminement intellectuel et d’opportunités.

La question de l’eau m’intéresse depuis la première année de Master, où j’ai réalisé un stage sur la consommation d’eau potable et la tarification de l’eau, entre équité et efficacité, à l’Ile de la Réunion.

Depuis, j’ai toujours travaillé sur les questions d’eau : eau potable à la Réunion, irrigation dans les pays du Sud, et maintenant risques liés à l’eau (sécheresses et inondations).

Ce sont des questions passionnantes, complexes, et terriblement d’actualité. Il y a beaucoup à faire !

Je suis devenue chercheuse sans le savoir : après mon Master 2 je n’avais pas du tout envie de me lancer dans un doctorat.

Cette envie m’est venue plus tard, après avoir travaillé deux années comme consultante aux Nations-Unies : je me posais des questions auxquelles je ne pouvais pas répondre comme consultante, et j’ai eu envie de prendre du recul sur ces dernières, ce que permet la recherche.

Sheryl BUI

En recherche, il est possible de distinguer le domaine de recherche et la thématique de recherche.

Choisir une thématique répond à la question « Qu’est-ce que je veux découvrir ? », et choisir un domaine répond à la question « Comment je souhaite répondre à cette question ? ».

J’ai choisi la biologie cellulaire et moléculaire car je souhaitais faire des expériences à la paillasse et travailler avec mes mains.

Aussi, j’ai été attirée par le fait de travailler à l’échelle microscopique, et de manipuler des cellules et des molécules du vivant.

Étant dans un double-cursus médecine-sciences, il fut naturel pour moi de m’orienter vers une thématique biomédicale pour contribuer au savoir et pratiques médicales.

Le choix du domaine ou de la thématique peut être guidé par différentes raisons comme vouloir travailler sur une maladie en particulier, ou apprendre une technique spécifique.

Il est aussi le fruit des rencontres que l’on fait au cours de son parcours. Finalement, chaque projet est une occasion de se nourrir intellectuellement et techniquement, et se créer un parcours professionnel unique

Vous travaillez notamment sur les politiques de gestion des risques liés à l’eau, en particulier les inondations. Que faites-vous concrètement ?

Vous avez été lauréate du Prix Jeunes Talents France 2024 de la Fondation L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science. Pour quels travaux avez-vous été récompensée ?

Joana GUERRIN

Je travaille sur la gouvernance de ces risques : je me demande comment, en France, les acteurs multiples qui interviennent autour de ce risque se coordonnent, plus ou moins bien, pour le gérer.

Comment cette gestion a-t-elle évolué dans le temps, depuis le 19ème siècle, et selon les lieux ?

On ne gère plus les inondations de la même manière en France et aux Etats-Unis. Quelles problématiques spécifiques se posent dans ces systèmes politiques différents ?

Et au niveau local : comment les habitants, les élus et les représentants de l’Etat arrivent à travailler ensemble pour mieux gérer le risque.

Au contraire, quels sont les obstacles à une gestion concertée et équilibrée de ce risque sur les territoires ?

Enfin, comment peut-on gérer ce risque de manière plus écologique ?

Sheryl BUI

Les travaux pour lesquels j’ai été récompensée portent sur le développement de nouveaux vecteurs thérapeutiques, autrement dit sur le développement de nouveaux moyens de transport des médicaments dans le corps.

Les cellules de notre corps peuvent utiliser des enveloppes contenant un message pour communiquer entre elles, comme nous avec les lettres et la Poste. Ces enveloppes sont appelées « vésicules extracellulaires ».

Mes travaux consistent à mettre des molécules thérapeutiques dans ces enveloppes biologiques, et à les modifier pour les envoyer vers les cellules de mon choix.

Par exemple, un des objectifs est d’envoyer des vésicules tueuses vers des cellules cancéreuses pour éliminer les cancers de l’intérieur.

Quelles sont selon vous les qualités indispensables requises pour faire de la recherche ?

Joana GUERRIN

Il faut être curieux, motivée, rigoureux, et ne pas compter ses heures !

C’est un travail extrêmement stimulant, où on a la chance de pouvoir travailler sur les questions qui nous semblent les plus intéressantes.

Après, nous sommes confrontés à des limites budgétaires – nous passons de plus en plus de temps à chercher de l’argent et moins à réaliser notre recherche.

Il faut donc aussi des qualités gestionnaires !

Sheryl BUI

La recherche est un domaine idéal pour les curieux, ou celles et ceux qui aiment réaliser des projets par eux-mêmes et qui aiment partager leur découvertes avec les autres, ou celles et ceux qui souhaitent mettre leur créativité au service des autres.

Mais n’oublions pas que c’est en forgeant que l’on devient forgeron. La formation de chercheur permet d’acquérir progressivement de nombreuses qualités et compétences comme la méthodologie expérimentale ou le regard critique.

Cela est permis par les cours universitaires, et les nombreux travaux pratiques et stages en laboratoire.

Ainsi, on y apprend à concevoir des expériences permettant de répondre à des questions de plus en plus complexes.

J’encourage celles et ceux qui pourraient être intéressés par la recherche à participer aux Journées Portes Ouvertes organisées par les universités pour mieux connaître leurs offres de formation.

Il est également possible de participer aux activités organisées lors de la Fête de la Science qui a lieu chaque année au cours du mois d’octobre pour visiter des laboratoires ou participer à des expériences pédagogiques.