C’est un scoop. Nous venons de l’apprendre : selon des sources autorisées, le Ministère de l’Éducation Nationale serait sur le point d’achever le développement d’un nouvel outil dont le nom de code est OPB. OPB pour Orientation Post-Bac. Ce logiciel conçu par des experts en programmation informatique devrait enfin permettre à chaque CIO d’ici à 2020 de fixer le destin professionnel d’un collégien ou d’un lycéen et le cursus de formation qui lui correspond. Objectif du Ministère : remplacer APB qui, en dépit d’un algorithme dont on ne sait pas grand chose, laisse encore trop de liberté au jeune et à sa famille.
Selon un fonctionnaire qui a souhaité rester anonyme :
On ne pouvait pas laisser plus longtemps un gamin de 16 ou 17 ans décider tout seul de son avenir professionnel; sans parler de ceux qui n’ont ni envies ni avis particuliers et qui auront l’avantage de se voir attribuer un parcours de formation clé en main sans plus stresser.
Selon cette source, à partir des informations compilées dans une gigantesque base de données, la machine parviendra à identifier une voie d’orientation en corrélant les résultats scolaires de l’élève et ses habitudes et activités personnelles avec les débouchés et les besoins en main d’oeuvre des entreprises. Et le même conseiller du ministère d’ajouter en souriant :
Et bien par exemple si on sait qu’on va manquer de banquiers, on va paramétrer la plateforme pour trouver des jeunes qui ont de bons résultats dans les matières scientifiques, dont on sait qu’ils regardent BFM Business ou sont abonnés aux Echos et qui ont déjà ouvert un compte épargne dans un paradis fiscal.
Pas d’OPB mais le logiciel APB en question
Trêve de faux scoop. Ce scénario totalement fictif n’a pas encore vu le jour. Reste que les conditions dans lesquelles le logiciel APB, qui lui existe bel et bien, détermine la façon dont les lycéens verront leurs voeux d’orientation exaucés, posent question.
Critères exploités, textes légaux qui encadrent l’utilisation de l’algorithme, confidentialité des données enregistrées par les lycéens, modalités des tirages au sort opérés, légitimité d’une association privée (hébergée à l’Institut national polytechnique de Toulouse) pour assurer la maitrise d’oeuvre du logiciel… L’opacité dans laquelle s’exerce la sélection des voeux formulés par les élèves sur APB a conduit une association à faire bouger les choses.
Fondée au printemps 2015, « Droits des lycéens » est animée par des élèves du secondaire et vise à « faire connaître leurs droits aux lycéens et (à) les assister pour les faire respecter ».
Leur combat pour une plus grande transparence et une clarification du processus automatisé de sélection concernant APB a d’abord conduit l’association à interpeller conjointement le Ministère de l’Éducation Nationale et le maître d’oeuvre à Toulouse. Plus récemment, c’est la Commission nationale d’accès aux documents administratifs (Cada) qui a été saisi. En attendant une éventuelle action en justice auprès du Tribunal administratif ?
Dans la continuité du Trésor Public, qui a rendu public le code source de son calculateur d’impôts sur le revenu il y a quelques semaines, le Ministère de l’éducation s’était engagé à «dévoiler le secret le mieux gardé de FranceSelon la formule ironique de Thierry Mandon le secrétaire d'état à l'enseignement supérieur » avant le mardi 31 mai 2016, un jour qui coïncide avec la date butoir de classement des voeux sur APB.
Après tout, le souci de la transparence était une exigence formulée l’année dernière dans « L’étude d’impact du projet de loi pour une république numérique » voulue par François Hollande :
Si un citoyen en fait la demande, l’administration devra donc être en mesure de communiquer les caractéristiques du traitement, notamment les objectifs, les finalités et les contraintes du système, et communiquer à l’individu concerné par la décision un exposé des paramètres, principales caractéristiques et des règles générales de l’algorithme, ainsi que celles qui lui ont été appliquées particulièrement.
Le Ministère de l’éducation a finalement procédé à quelques éclaircissements le 1er juin dernier sans pour autant révéler le code source de l’algorithme. Des informations qui n’ont manifestement pas calmé les ardeurs de l’association lycéenne, laquelle a mis à la disposition du public un « Guide des recours » APB.