Dans une tribune intitulée « Les étudiants livrés au marché de l’anxiété » parue dans Le Monde Diplomatique d’avril 2018, Annabelle Allouch s’intéressait aux effets des réformes éducatives mises en place par l’actuel gouvernement dans le cadre de « la loi relative à l’Orientation et à la Réussite Étudiante (ORE ou Plan étudiants) ».
La réforme du baccalauréat et l’instauration de critères de sélection à l’entrée des universités bouleversent l’articulation entre enseignements secondaire et supérieur. Dès la classe de seconde, les élèves sont désormais sommés de se projeter dans l’avenir, au risque de prendre la mauvaise voie.
Des effets délétères dont les Conseillères et les Conseillers d’orientation privés du réseau Tonavenir.net (cités dans l’article) seraient les grands bénéficiaires.
Pour ce Maître de Conférences en Sociologie à l’Université de Picardie Jules Verne et Chercheure associée à Sciences Po, « la sélection est devenue une réalité » et la faiblesse de l’opposition au projet de réforme tiendrait aux divisions syndicales et aux échecs des précédentes manifestations d’opposition (grève de 2007 contre l’« autonomie des universités »).
Fondée sur deux volets, l’un relatif à l’instauration de critères de sélection à l’université, l’autre sur la réforme du baccalauréat et du lycée, ce texte sonne le glas des politiques de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur menées depuis les années 1960 dans le but d’élargir le nombre de salariés qualifiés.
Parmi les principales conséquences citées par l’auteure à propos de ces réformes :
- une volonté du législateur de préparer les élèves, dès la seconde, à leurs études post-bac, pendant une période, l’adolescence, peu compatible avec les enjeux de l’orientation,
- une sélection universitaire porteuse d’inégalités accrues qui s’inscrit dans l’idée désormais admise d’une réussite au mérite proche des modalités d’entrée dans les grandes écoles,
- des prérogatives « administratives » nouvelles pour le personnel enseignant qui nuiront aux missions qui lui sont normalement dévolues (préparation des cours, encadrement…),
- le risque d’une concurrence exacerbée entre établissements qui conduirait à une université à deux vitesses,
- l’organisation d’un « marché de l’anxiété » dont Tonavenir.net serait le digne représentant.
Avec le futur lycée à la carte, qui verra disparaître les filières scientifique, littéraire et économique, un élève souhaitant entrer à l’université devra, dès la seconde, s’assurer que les « disciplines de spécialité » et les modules choisis correspondent bien aux critères de sélection (les « attendus ») de l’établissement qu’il veut intégrer. Cela suppose non seulement d’avoir une idée claire de l’offre de formation disponible, mais aussi d’être certain de son choix d’orientation, à un âge de découverte, et non de projection dans l’avenir.
Il n’est pas ici question de juger de la pertinence de la thèse qui consiste à critiquer une situation emblématique des inégalités, voire des injustices dont les ramifications peuvent être observées dans d’autres sphères que celles de l’éducation et de la formation.
Tout au plus pourrions-nous partager les constats et les analyses faits par l’auteure et les compléter au passage par le projet de suppression des CIO et le transfert des Délégations Régionale de l’ONISEP (DRONISEP) aux régions.
Conseil en orientation privé… d’existence ?
L’interrogation porterait davantage sur les solutions qu’il convient, ou non, d’apporter à ce contexte. Autrement dit, les déficiences de l’Etat étant ce qu’elles sont, devrions-nous sagement attendre que les choses évoluent dans le sens souhaité ? Devrions-nous multiplier ou amplifier les manifestations de courroux dont on a pu mesurer la toute relative efficacité ?
Ou bien aurions-nous le droit de substituer l’incurie des institutions publiques à l’action du domaine privé ?
Un marché ad hoc est déjà apparu pour aider les familles à atténuer ce sentiment désagréable. Moyennant 560 euros, la société Tonavenir.net propose une « formule sérénité », qui comprend des conseils d’orientation, une aide à l’écriture de lettres de motivation, et même la gestion du dépôt des vœux sur la plate-forme…
La démarche de Tonavenir.net ne s’inscrit pas dans une quelconque forme de parti-pris politique, social, sociétal, moral ou philosophique qui consisterait à affirmer que les inégalités sont incontournables, que les modalités d’accès à l’enseignement supérieur sont justes ou que les mesures envisagées sont sensées, voire même efficaces.
Chaque Conseillère, chaque Conseiller du réseau porte sur ces questions un regard personnel qui n’entre pas en ligne de compte.
L’existence de Tonavenir.net relève d’un choix collectif. Elle témoigne d’une volonté commune d’apporter des solutions concrètes aux problématiques que soulèvent d’ailleurs Anabelle Allouch dans son article et qui à date n’offrent guère d’alternatives.
Pour certains apôtres d’un libre-arbitre à géométrie variable, toute tentative de confier le conseil en orientation des jeunes à des organismes privés serait à vouer aux gémonies.
En cause ? La monétisation de la prestation, le fait de pérenniser le principe d’un accès inégalitaire à ce type d’accompagnement en raison des moyens requis pour en bénéficier.
À défaut d’avoir identifié une « solution publique » satisfaisante pour chacun, le sacrifice de tous serait préférable.
Mieux vaudrait laisser chaque jeune errer dans les méandres de formations pléthoriques et se perdre dans des choix d’orientation difficilement identifiables à cette période de la vie que permettre à quelques-uns, mieux lotis, de s’en sortir.
Option idéologique qui conduit à un débat critique faussé.
Sus aux conseillers d’orientation privés !
« Les étudiants livrés au marché de l’anxiété » nous dit-on. Présenté ainsi, le conseil en orientation privé n’incline guère à l’indulgence. Voire il confine à la malhonnêteté intellectuelle la plus abjecte. Les conseillers d’orientation privés seraient les immondes profiteurs des questionnements estudiantins des moins démunis.
Pourtant, faut-il systématiquement critiquer, par principe, les efforts de celles et ceux qui entendent combler les besoins des jeunes et des familles en matière d’orientation lorsqu’ils se manifestent sous le sceau infamant du secteur marchand ?
Ne juger ce « marché de l’anxiété » qu’à l’aune de son pré-requis économique c’est d’abord oublier ses raisons d’être. Le réseau Tonavenir n’est pas responsable des maux auxquels il tente de s’attaquer.
Annabelle Allouch elle-même pointe du doigt les démiurges de ce « marché de l’anxiété » :
Pour les bacheliers et leurs familles, la réforme ne se contente pas de fermer l’accès de droit à l’université : elle organise les conditions d’un marché de l’anxiété.
S’il faut condamner ce que l’auteur présente insidieusement comme de l’opportunisme déplacé, alors profitons-en pour fustiger aussi les écoles privées dispendieuses, bannissons les enseignes proposant des cours de soutien, blâmons les parents qui envoient leurs rejetons en stages de langue à l’autre bout du monde. Et puis tant qu’à faire, emprisonnons plus largement tous les dirigeants d’entreprises qui prétendent monnayer des prestations répondant à une attente ou à un manque dans la société.
Parler de développement d’un « marché de l’anxiété » dont les conseillers d’orientation privés Tonavenir.net seraient les profiteurs, c’est omettre ensuite les motivations sincères de celles et ceux qui exercent cette activité. Une activité qui au regard du ratio temps passé/montant perçu ne s’apparente pas, loin s’en faut, à une rente spéculative.
Procès d’intention aussi.
Le professeur principal que je suis, constate lors des différentes phases d’orientation qui jalonnent le parcours d’un élève, ses errances et ses doutes, parfois même sa dévalorisation, le désarroi de ses parents, à un moment où l’adolescent doit tellement croire en ses chances d’avenir… Tous me disent qu’ils souhaiteraient à ce stade un accompagnement et des éclairages qui iraient bien au-delà d’un simple apport d’informations générales : le parcours de chacun est unique, il doit être rigoureusement étudié, accompagné et soutenu dans un cheminement qui ne peut qu’être personnalisé. Le défi est complexe et sensible, l’enjeu est tout simplement l’accomplissement, l’aboutissement théorique de tout parcours éducatif. Je veux m’y consacrer pleinement : en 2012, je ne ferai pas la rentrée scolaire. Je rejoins le réseau Ton Avenir.net, spécialisé dans l’orientation scolaire personnalisée.
Yves Destribats, Conseiller Tonavenir.net à Dax (40)
Faut-il recourir aux Conseillers d’orientation privés ?
Plutôt que de livrer les conseillères et les conseillers privés d’orientation au marché du dogmatisme, que ne s’intéresse-t-on aux résultats que celles et ceux du réseau Tonavenir.net obtiennent auprès des jeunes qu’elles et ils accompagnent depuis 2009 ? Pourquoi ne pas évaluer l’efficacité de la méthode mise au point et ne pas interroger les familles en ayant profité ?
La prestation a été remarquable…Nous avons débuté le travail d’orientation un an avant le bac, sans aucun projet précis et nous sommes maintenant sur le point de remplir « parcoursup » en toute sérénité. Notre conseillère a montré beaucoup de disponibilité, de psychologie mais elle a su également créer un lien de confiance avec notre fille ce qui a permis un réel travail de fond et un choix avisé. Elle a su motiver, encourager avec toujours beaucoup de bienveillance. Un grand merci
Mme Grillet, Maman de Claire en terminale S au Lycée Saint thomas d’aquin, Oullins (69) ~ 2018
Au regard des sourires qu’affichent honteusement les élites fortunées aidées depuis la naissance de Tonavenir.net, ces dispositions paraissent bien moins anxiogènes qu’il n’y parait de prime abord.
En définitive, si le tirage au sort n’est pas une solution acceptable et que l’on veut se passer de toute forme de sélection à l’université, peut-être faudrait-il donner aux jeunes les moyens (quels qu’ils soient) de préparer et d’accompagner leur orientation post-bac.
Les Conseillères et les Conseillers du réseau Tonavenir.net ne font rien d’autre. Que cela plaise ou pas.
https://www.tonavenir.net/pourquoi-choisir-un-conseiller-dorientation-prive/