Depuis le 31 août dernier, la sécurité sociale étudiante n’est plus. Tous les étudiants sont désormais rattachés au régime général de sécurité sociale. Et ils n’ont plus à s’acquitter de la cotisation obligatoire correspondante (près de 220 euros en 2018).
« Une simplification majeure, un gain de pouvoir d’achat et une qualité de service améliorée » selon le Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation.
La fin d’une particularité vieille de près de 75 ans pour les mutuelles qui bénéficiaient de cette délégation de service public.
La sécurité sociale étudiante aurait fêté ses 72 ans l’année prochaine
Lorsque la Sécurité Sociale voit le jour en octobre 1945, elle ne couvre que les travailleurs salariés. L’Unef préfère et obtient des parlementaires que les étudiants bénéficient d’un régime spécifique.
Le régime étudiant de sécurité sociale est créé en septembre 1948 et leur gestion confiée à des mutuelles d’étudiants.
La même année, l’Union nationale des étudiants de France fonde la première d’entre elles : la [fusion_popover title= »Mutuelle nationale des étudiants de France » content= » » trigger= »hover » placement= »default » class= » » id= » » title_bg_color= » » content_bg_color= » » bordercolor= » » textcolor= » »]Mnef[/fusion_popover].
La cotisation annuelle demandée aux étudiants ne parvenant pas à couvrir les remboursements de santé et les frais de gestion, l’assurance maladie en assume une part.
Les événements historiques de la fin des années 60 (guerre d’Algérie, manifestations étudiantes et grèves de mai 68…) contribuent à la politisation des syndicats étudiants. Leurs divergences conduisent à la remise en cause du monopole de la Mnef et de son syndicat de rattachement, l’Unef.
Sous la présidence de Valery Giscard d’Estaing, des associations étudiantes dissidentes et apolitiques se créent et fondent les SMERSociété Mutualiste Étudiante Régionale, dont la SMEREP est l’une des extensions pour l’Ile de France.
Mutuelles étudiantes : souvent critiquées, jamais supprimées
L’arrivée des SMER introduit un système de concurrence qui n’est pas pour faire baisser les frais de fonctionnement des mutuelles. Campagnes de communication, de marketing… pour séduire de nouveaux affiliés, il faut utiliser une part des cotisations versées par les étudiants.
Tandis que la Mnef vante le principe d’une cotisation unique, ses concurrentes fonctionnent comme n’importe quelle entreprise du secteur marchand : segmentation de la clientèle, de la nature des risques couverts… Une situation qui entraîne l’augmentation des coûts du régime et que dénonce une commission d’enquête parlementaire.
Cette nouvelle donne concurrentielle, ainsi que les tensions qui se développent au sein de l’Unef dans les années 70, favorisent l’émancipation de la Mnef. Laquelle profite du contexte pour gérer avec toujours plus d’autonomie le fonctionnement et de le développement de la mutuelle.
Las, les stratégies mises en place (diversifications, création de filiales…) n’ont pas les résultats escomptés. Au début des années 80, suite à un rapport peu amène de la Cour des Comptes, l’état devra intervenir financièrement pour lui éviter la faillite.
Pourtant, moins de 20 ans plus tard, la Mnef disparaît. Détournement de fonds, fausses factures, emplois fictifs… « l’affaire de la Mnef » comme on l’appelle alors, aura raison de la mutuelle et fortement fragilisé les caciques du Parti Socialiste.
LMDE (La Mutuelle Des Étudiants) naît dans le sillage de cette disparition. Co-fondée par plusieurs syndicats d’étudiants avec le concours financier d’autres sociétés de mutuelles, LMDE n’obtiendra pas de meilleurs résultats que sa consoeur défunte.
Corroborées par plusieurs rapports et études (association UFC-Que choisir, Sénat, Cour des compte), les critiques fusent : modalités d’affiliation complexes, délais de prises en charge et de remboursement interminables, qualité de l’accueil déplorable…
La qualité de service est très insuffisante, qu’il s’agisse du remboursement des prestations ou des relations avec les assurés, et ses coûts de gestion sont élevés.
Rapport de la Cour des comptes (2013)
En octobre 2015, l’Assurance Maladie vole au secours de la mutuelle endettée en prenant sous sa coupe une partie de ses prestations. LMDE n’étant plus chargée que du traitement des remboursements.
La Loi ORE enterre définitivement le régime de la sécurité sociale étudiante
La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal et la secrétaire d’Etat Christelle Dubos, se félicitent de la mise en œuvre définitive au 1er Septembre de la réforme de la sécurité sociale des étudiants qui leur apporte simplicité, qualité de service renforcée et gain de pouvoir d’achat. Les ministres saluent également la mobilisation de l’Assurance maladie pour réussir cette transformation.
Ainsi commence le communiqué du ministère, relatif à la disparition de la sécurité sociale étudiante.
Entamée dès la rentrée 2018 pour les nouveaux étudiants, généralisée cette année à l’ensemble des étudiants, la réforme votée dans le cadre de la loi ORE de mars 2018 est opérationnelle.
Sans qu’aucune démarche ne soit requise (à l’exception de la mise à jour de sa carte vitale), chaque étudiant français est désormais affilié au régime général et rattaché à une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
Avec cette suppression, c’est aussi la cotisation de 217 euros qui disparaît. Une économie donc, quoique relative puisqu’elle s’accompagne, pour certains, de la création concomitante d’une dépense supplémentaire de 91 euros pour la Contribution de Vie Étudiante et de Campus (CVEC).
Une contribution dont on peine encore à bien cerner les applications concrètes…
Les sommes collectées bénéficient in fine aux étudiantes et étudiants : elles financent des projets de vie de campus portés par une liste d’établissements fixée par la loi (les Universités, un certain nombre d’écoles, les Crous, etc.)
Site web CVEC
Les mutuelles étudiantes contraintes de se ré-inventer
S’ils sont nombreux à se féliciter de la suppression du « processus d’affiliation et de ré-affiliation annuelle à une mutuelle d’étudiants pour la gestion des droits de base », d’autres paraissent plus circonspects.
C’est le cas de Hadrien Le Roux, Président de la SMEREP et Porte-parole d’HEYME, né du regroupement de la SMEREP et de la MEP (Mutuelle étudiante du bassin Méditerranéen).
Je souhaitais vous proposer un échange informel par téléphone avec Hadrien Le Roux afin qu’il vous apporte le point de vue d’un acteur historique et son avis « franc » sur les conséquences dans le quotidien des étudiants.
Communiqué du 29/08/19
Dans un mail envoyé le 29 août dernier, son agence de presse proposait un « échange informel » visant à aborder :
- Point sur la recomposition des mutuelles,
- L’impact de cette réforme pour les étudiants, notamment au niveau santé publique,
- En quoi les mutuelles étudiantes apportaient un rôle qui ne sera pas repris par les acteurs traditionnels ?
- Quel est l’objectif et les ambitions en fusionnant la SMEREP et la MEP ?
- Alors que nous savons que les charges fixes des étudiants sont en constantes augmentation, en quoi ce changement de protection santé va également coûter plus cher aux étudiants ?
Nos questions étant restées lettres mortes nous n’en saurons pas plus.
Reste que dommageable ou pas, cette suppression a conduit de nombreuses mutuelles à procéder à des transferts d’activités, à se regrouper et/ou à revoir leur modèle économique.
HEYME entend ainsi compenser la perte de revenus liés à la disparition du régime étudiant de sécurité sociale en misant sur la prévention, la digitalisation et l’extension de sa clientèle (jeunes freelances et auto-entrepreneurs notamment).
Notre ambition est de devenir leader du marché jeunes d’ici trois ans, avec 110 000 adhérents contre 76 000 aujourd’hui.
Hadrien Le Roux
Une ambition qui s’inscrit dans la logique commerciale des intermédiaires en assurance dont HEYME peut se prévaloir (via LUTECEA)…
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